Chez les Bleus, on dénombre 12 000 soldats polonais, 14 000 Américains et un millier de Britanniques. Voilà pour les principaux effectifs. Les Rouges sont restés un ennemi fictif. Ces «exercices ne contribuent pas à favoriser l’atmosphère de confiance et de sécurité» en Europe, a indiqué le porte-parole du Kremlin. Moins mesurés, les médias sous contrôle de Moscou, comme «Russia Today», le principal organe de propagande destiné à l’étranger, évoquent la préparation d’une troisième guerre mondiale.
«Il n’y a pas de raison d’être nerveux», a rétorqué le général Ben Hodges, cité par l’AFP, l’un des chefs militaires américains en Europe qui souligne le caractère purement défensif de l’exercice. Ces dernières années, ces derniers mois, la Russie a multiplié les exercices militaires sur son flanc occidental avec l’engagement, parfois, de plus de 100 000 hommes. Les Scandinaves et les Européens de l’Est peinent de plus en plus à voir en la Russie autre chose qu’une menace.
Le pendant asiatique
L’«Union des Bleus», l’«Union des Rouges», la guerre hybride. Ce vocabulaire vaut également pour l’Asie de l’Est. Là-bas, c’est la Chine qui effraie ses voisins. Les analystes militaires de la région voient dans l’occupation des îles de la Mer de Chine du Sud par l’armée chinoise une stratégie identique à celle de Moscou en Ukraine avec l’annexion de la Crimée, puis la déstabilisation du Donbass. Les «hommes verts» de Moscou sont remplacés par des pêcheurs, des gardes-côtes ou des touristes de Pékin. On avance déguisé.
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, les Etats voisins, pour se protéger, renforcent leur alliance avec la seule superpuissance capable de faire front: les Etats-Unis. Moscou et Pékin partagent une autre lecture: il s’agit en réalité d’une stratégie d’«endiguement» orchestrée par Washington. Résultat: la Chine et la Russie développent une Entente, au sens qu’on lui donnait au 19e siècle, du temps des empires, sans toutefois basculer vers une alliance stricte – car entre ces deux pays, la défiance ancestrale n’a pas encore été surmontée.
Le droit au non choix
Moscou et Pékin n’ont pas tort de dénoncer un nouveau climat de guerre froide. Mais qui en est responsable? Est-ce les «Bleus», cette coalition d’Etats qui se raccrochent à un ordre international, fondé sur des valeurs démocratiques, après l’avoir eux-mêmes parfois malmenés (cf la guerre illégitime en Irak)? Ou est-ce les «Rouges», des Etats autoritaires qui après avoir défendu un souverainisme forcené sont tentés d’affirmer leur sphère d’influence bien au-delà de leurs frontières?
Il est tentant de renvoyer dos à dos les Rouges et les Bleus, que ce soit au nom de la souveraineté nationale, comme beaucoup le pensent en France, ou d’une posture de neutralité, comme ou voudrait le croire en Suisse. Un droit de ne pas choisir d’autant plus justifié lorsque l’on sait que le prochain leader des Bleus pourrait être un certain Donald Trump, une figure qui a un petit air de famille avec Poutine.
Rupture de valeurs
Espérons qu’on n’en arrivera pas à devoir penser le monde en Bleu et Rouge, à retomber dans le manichéisme de la guerre froide. Mais ce sont les pouvoirs chinois et russes bien plus que l’Occident qui poussent en ce moment à cette rupture, une rupture de valeurs. Et sur ce plan, il n’y a pas à hésiter.