Cheveux ras, drapeaux bleu-blanc-rouge, des «on est chez nous» et «la France aux Français» frappés sur leurs tee-shirts, 400 militants du Bloc identitaire se sont réunis samedi après-midi place Saint-Jean dans le Vieux-Lyon. Ce rassemblement statique «pour la liberté d’expression», autorisé mais très encadré par la police, remplaçait «la marche des cochons» que le Bloc avait dans un premier temps prévu d’organiser. Celle-ci avait été interdite par le préfet par crainte de débordements puisque, au même moment, des mouvements antiracistes s’étaient donné rendez-vous dans la capitale rhodanienne «pour ne pas céder le terrain à l’extrême droite».
Créé en 2003 et devenu un parti politique en 2009, le Bloc identitaire, qui revendique 3000 membres en France, draine des activistes plutôt jeunes, hommes pour la plupart, tous Blancs. Sur la place Saint-Jean, on pouvait croiser également quelques nostalgiques de l’Algérie française et de vieux militants coiffés de bérets aux larges bords rappelant ceux de la milice qui collaborait avec l’occupant allemand. Pas de néonazis, pas de skinheads, pas de bras tendus. Le service d’ordre du Bloc, reconnaissable à ses gilets roses, «la couleur du cochon», avait reçu pour ordre d’éloigner ces derniers.
Le porc comme emblème
En mai 2010, 70 militants portant un masque de cochon avaient envahi le Quick halal de Villeurbanne, dans l’Est lyonnais, «pour sensibiliser l’opinion publique sur l’islamisation de notre pays». La vidéo de l’opération, tournée par un groupe lyonnais appelé Rebeyne (émeute en dialecte local), avait à ce point «buzzé» sur Internet que le porc est vite devenu l’emblème du mouvement. On pouvait entendre samedi scander: «Première, deuxième génération, on est tous des mangeurs de cochon!»
Le Bloc identitaire organise par ailleurs des «apéros saucisson-pinard», de préférence non loin des lieux de culte musulman. Autres provocations, des rues sont rebaptisées, l’espace d’une journée, avec des noms arabes et des militants s’exhibent en burka. Le tout est toujours filmé et diffusé sur le Net «pour marquer les esprits à la manière de Greenpeace».
Chemise blanche, veston noir bien coupé, Arnaud Gouillon, 25 ans, le candidat du Bloc pour l’élection présidentielle de 2012, justifie: «L’islamisation de la France est une réalité. Des millions de Français la subissent. Nous ne supportons plus le recul des autorités devant les revendications communautaristes des musulmans.» Avant tout islamophobe, le Bloc demande plusieurs interdictions. Celle du port du voile, de la production halal, d’horaires ou de lieux réservés aux femmes et de carrés musulmans dans les cimetières. «Ce n’est pas la France qui doit s’adapter à l’islam, c’est l’islam qui doit s’adapter à la France», insistent les militants. Au moment où Marine Le Pen grimpe dans les sondages, comment se situe le Bloc face au Front national? Venu de Bordeaux avec les 18 militants du Bloc identitaire d’Aquitaine, Alain de Peretti, un vétérinaire à la retraite, qui a quitté le FN en 2002, résume: «Nous voterons évidemment pour Marine si elle accède au second tour de la présidentielle. Mais nous appelons à un réveil de l’identité nationale menacée par l’islamisation, thème que Marine néglige un peu trop.» «Il n’y a pas de mur entre le FN et nous, précise Arnaud Gouillon. Mais le rapprochement entre notre régionalisme paneuropéen et le nationalisme jacobin du FN n’est pas chose aisée.»
L’UDC comme modèle
A la tribune, l’homme le plus applaudi samedi fut Jean-David Cattin, le porte-parole des Jeunes Identitaires genevois (ils sont 20 adhérents). Le Bloc plébiscite en effet la démocratie participative à la Suisse, «à l’origine de l’interdiction des minarets et de l’expulsion des criminels étrangers». Antoine, un Rennais: «J’étais présent quand Oskar Freysinger a pris la parole lors des assises sur l’islamisation, cet homme est un visionnaire.» Autre Helvète particulièrement apprécié, Dominique Baettig, UDC lui aussi, présent en 2009 à une convention identitaire organisée par le Bloc. «Contrairement aux Français, nous ne focalisons pas sur l’islamisation, dit Jean-David Cattin, mais il faut admettre qu’il existe une incompatibilité lorsque des communautés revendiquent d’autres valeurs que celles qui, traditionnellement, dominent en Europe.»
Jean-Marie Delmas, de la Ligue des droits de l’homme de Rhône-Alpes, se dit inquiet par la visibilité que tente de se donner ce type de groupuscules. «Dans la cité du résistant Jean Moulin et du nazi Klaus Barbie, les Identitaires veulent faire de Lyon un laboratoire de l’extrême droite. Les agressions se multiplient à l’encontre des militants de gauche ou antiracistes depuis deux ans.» Deux locaux sont aujourd’hui gérés par les ultra-nationalistes. L’un à proximité du stade Gerland, où joue le club de football l’Olympique de Lyon, tenu par des supporters proches des milieux néonazis. L’autre, dans le Vieux-Lyon, par le Bloc identitaire. Ce dernier est un bar appelé la Traboule où un ring a été aménagé pour apprendre la boxe et l’art de la self-défense.