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Boko Haram étend son emprise territoriale

Portés par leur notoriété croissante et galvanisés par l’impuissance de l’armée à leur faire face, les combattants islamistes d’Abubakar Shekau se sont lancés ces derniers mois dans une stratégie de conquête territoriale. Ils se prépareraient à attaquer Maiduguri, la capitale de l’Etat de Borno

Boko Haram étend son emprise territoriale

Nigeria Après avoir pris le contrôle de Bama, les islamistes viseraient la ville de Maiduguri

Pour l’heure, aucune communication officielle de l’armée nigériane en dehors d’un tweet qui proclame sa «victoire» sans plus de détails. Selon des témoignages recueillis sur place par la BBC et les agences de presse, pourtant, Boko Haram aurait bel et bien pris le contrôle de Bama, une ville de plusieurs centaines de milliers d’habitants au nord-est du Nigeria, au terme de deux jours d’offensive. Lancé entre dimanche et lundi, l’assaut aurait été initialement repoussé avant que les insurgés ne reviennent en masse à bord de véhicules blindés attaquer la base militaire.

Les affrontements ont fait de nombreux morts dans chacun des deux camps. Des milliers de civils, et plusieurs centaines de soldats, auraient fui la ville à pied en direction de Maiduguri, la capitale de l’Etat de Borno.

Bavure de l’armée

Si elle était confirmée, la prise de Bama par le mouvement dirigé par Abubakar Shekau aurait les allures d’une défaite d’ampleur pour les troupes d’Abuja, un revers de plus dans la guerre que le gouvernement fédéral a déclaré aux islamistes en mai 2013. Circonstances aggravantes, l’avion appelé en renfort par l’armée à Bama aurait bombardé une zone de combats entre insurgés et soldats, tuant les uns autant que les autres. Rapportée par plusieurs médias, cette bavure a été démentie par le Ministère de la défense nigériane.

Le raid de Bama est le dernier prolongement en date de ce qui s’apparente dorénavant à un projet de conquête territoriale mis en œuvre par un groupe dont les actions ont cessé de se cantonner aux opérations de guérilla et aux attentats suicides spectaculaires de ces dernières années. «L’incapacité des forces armées du Nigeria à contrecarrer sa charge, combinée à sa plus grande notoriété internationale, lui a donné une confiance et une ambition qui l’ont encouragé à adopter un comportement de plus en plus stratégique», note ainsi dans une analyse récemment publiée par Chatham House le chercheur Marc-Antoine Pérouse de Montclos.

Au cours des derniers mois, Boko Haram a fait passer sous sa coupe une série de localités, étendant son emprise à des pans entiers de l’Etat de Borno. Assaillie début août, la ville de Gwoza, à 40 km au sud de Bama, a été soumise il y a dix jours au règne du «califat islamique» par Abubakar Shekau. Il en a fait la déclaration dans une vidéo semée d’images d’exécutions comparables aux scènes insoutenables diffusées par l’Etat islamique qui a proclamé son propre califat à cheval sur la Syrie et l’Irak il y a deux mois.

Conquête après conquête, les islamistes apparaissent aujourd’hui de plus en plus menaçants pour Maiduguri, leur fief d’origine. La ville peuplée de 1,5 million d’habitants, qui abrite une importante base militaire, n’est plus distante que d’une septantaine de kilomètres de Bama et serait l’objet d’un plan d’offensive majeure de la part des insurgés.

Signe que les autorités prennent la menace au sérieux, ou qu’elles tentent de donner aux habitants le sentiment d’être prêtes à la contrer, le couvre-feu sur Maiduguri a été allongé de deux heures chaque nuit «pour empêcher l’infiltration de la métropole par les insurgés». Quatre mois après le sommet de Paris consacré à la lutte contre Boko Haram, une réunion se tiendra à Abuja ce mercredi. Elle rassemblera les ministres des Affaires étrangères de la région et des émissaires occidentaux.