Union européenne
La Commission européenne passe outre la règle de non-ingérence dans la campagne sur la sortie ou non du Royaume-Uni et réfute les propos jugés excessifs de l'ancien maire de Londres

L’Union européenne (UE) ne veut plus rester les bras croisés dans la campagne pour ou contre le Brexit. Il y a deux semaines, le président de la Commission Jean-Claude Juncker affirmait pourtant, lors d’une conférence à Berlin, que «le Brexit serait une catastrophe, mais il n’est pas question d’entrer dans le débat». Son porte-parole Margheritis Schinas a redit lundi que Bruxelles se prononcera sur le sujet qu’après le 23 juin prochain, date du référendum où les Britanniques se prononceront sur leur avenir au sein des Vingt-Huit. Mais dans les faits, la règle de non-ingérence dans les affaires intérieures d’un Etat souverain n’est plus de mise.
Les premiers coups sont partis la semaine passée. Jean-Claude Juncker a répondu à une remarque de Boris Johnson, un des meneurs de la campagne en faveur du Brexit. Dans une interview au quotidien londonien The Telegraph, l’ancien maire conservateur de Londres a fait croire que l’UE coûtait 350 millions de livres par semaine au Royaume-Uni. Le chef de l’exécutif européen a rétorqué qu’«il était temps que Boris Johnson revienne dans la capitale européenne pour voir si tout ce qu’il dit aux Britanniques est conforme à la réalité». Les chiffres avancés par Boris Johnson, un ancien correspondant de presse à Bruxelles, ne prennent pas en compte ce que l’UE apporte au Royaume-Uni en termes d’investissements, de commerce et de l’emploi.
Jean-Claude Juncker s’est encore éloigné de la stratégie de «zéro commentaire» dans une interview accordée au Monde il y a dix jours. «Si les Britanniques devaient dire non, ce que je n’espère pas, la vie communautaire ne continuerait pas comme avant, a-t-il déclaré. Le Royaume-Uni devra accepter d’être traité comme un Etat tiers, que l’on ne caressera pas dans le sens du poil.»
Jeudi dernier, Martin Selmayr, le chef de cabinet de Jean-Claude Juncker, est lui aussi monté aux barricades. Dans un twitt posté sur son compte, il a mis Boris Johnson dans le même panier que le candidat populiste américain à la Maison-Blanche Donald Trump, la présidente du Front national Marine Le Pen et le populiste italien Beppe Grillo. Quelques jours plus tôt, l’ancien maire de Londres avait comparé le projet européen à celui d’Adolf Hitler pour dominer le monde. Donald Tusk, le président du Conseil européen, a jugé les propos de Boris Johnson excessif, disant que ce dernier avait fait preuve «d’amnésie politique et de trou de mémoire inexcusable».
«Il était grand temps que l’UE vienne participer à la campagne pour ou contre le Brexit, déclare d’emblée Giles Merritt, secrétaire général de Amis de l’Europe, un important centre d’analyses politiques à Bruxelles. Il y a beaucoup de désinformations sur l’Europe et Bruxelles doit remettre les pendules à l’heure.» Il se demande si la Commission continuera à jouer un rôle actif durant les trois semaines qui restent avant le référendum. «Je constate tout de même que l’UE est un mauvais communicateur, dit-il. C’est la raison pour laquelle elle est toujours vue comme responsable des mesures d’austérité mises en place depuis la récession de 2008.» Selon lui, les Britanniques ignorent les faits et à leurs yeux, l’UE n’est qu’une machine bureaucratique. «Mes compatriotes oublient que ce sont les Etats et non Bruxelles qui décident de la politique européenne», dit-il.