Progressivement, Londres dévoile son jeu. Étape par étape, le gouvernement britannique met sur la table des négociations sa liste de demandes envers l’Union Européenne. Mardi, George Osborne, le chancelier de l’Echiquier, a fait un grand pas supplémentaire, en prononçant à Berlin un discours détaillant une partie de ses exigences.

«Nous voulons rester dans une Union Européenne réformée, mais cela doit être une Union Européenne qui marche mieux pour tous les citoyens d’Europe, et qui marche mieux pour la Grande-Bretagne aussi.» Pour prouver sa bonne volonté, le ministre des Finances britannique a répété à plusieurs reprises: «Un accord peut être trouvé.»

Faire campagne sur l'"Europe réformée"

David Cameron a promis aux Britanniques d’organiser un référendum sur le maintien ou la sortie du Royaume-Uni dans l’UE, sans doute à l’automne 2016 (la date exacte n’est pas fixée). Mais avant cela, le premier ministre britannique veut se lancer dans de grandes renégociations avec Bruxelles. Objectif: obtenir un certain nombre de concessions, et faire ensuite campagne pour le maintien au sein d’une «Europe réformée». Dans la mesure où le vote s’annonce très serré (les sondages indiquent une avance de quelques points pour rester dans l’UE), cela pourrait faire la différence. «Ces renégociations seront cruciales pour le résultat du référendum», affirme George Osborne.

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Mais jusqu’à présent, la liste des doléances est restée étrangement floue. «On connaît les grandes têtes de chapitre de ce que les Britanniques veulent, mais nous n’avons rien reçu de précis, rien par écrit», s’agace un diplomate européen. Les hésitations de David Cameron sont compréhensibles: s’il dépose un texte précis, il sera attaqué de toute part. D’un côté, les Européens considéreront sa liste comme une demande maximum, qu’il faut diluer; de l’autre, les eurosceptiques britanniques s’insurgeront contre la timidité de ses exigences.

L’attente commence toutefois à toucher à sa fin. Le discours de George Osborne à Berlin est le précurseur d’une lettre que David Cameron doit envoyer à ses partenaires dans le courant de la semaine prochaine. Le premier ministre a promis de se dévoiler, au moins partiellement. Ensuite, les négociations doivent entrer dans le dur en vue du sommet européen des 17 et 18 décembre, qui sera consacré à la question britannique. Londres espère que cela permettra de déboucher sur un accord début 2016.

Malgré le flou savamment orchestré, le Royaume-Uni a indiqué que ses exigences porteront sur quatre «paniers»: protection de la City, immigration, souveraineté et réformes économiques. Les deux premiers sont les plus compliqués.

La protection du centre financier britannique est présentée par Londres comme une question d’équité: les Britanniques demandent que les pays qui ne sont pas dans la zone euro ne soient pas sous le diktat de ceux qui font partie de la monnaie unique.

L’immigration est le sujet le plus brûlant. Depuis cinq ans, l’UKIP (United Kingdom Independence Party), le parti anti-européen, martèle que le Royaume-Uni n’a plus le contrôle de ses frontières. En cause: la libre circulation au sein de l’Union Européenne, qui a permis l’installation d’un million d’Européens de l’Est en une décennie.

Moins d’accès aux prestations sociales

Initialement, David Cameron a flirté avec l’idée d’imposer des quotas d’immigration pour les ressortissants des nouveaux pays membres de l’UE. Mais Angela Merkel et François Hollande ont rapidement posé leur veto.

À défaut, le gouvernement britannique propose d’interdire l’accès des allocations sociales aux immigrants européens pendant leurs quatre premières années au Royaume-Uni. «La liberté de circulation doit être la liberté d’aller travailler, pas de choisir le système social le plus généreux», attaque George Osborne. Le problème est que cette réforme irait contre l’égalité de traitement entre les Européens, et qu’elle nécessiterait de changer les traités.

Reste les deux derniers «paniers». Londres souhaite accorder plus de pouvoirs aux parlements nationaux face à Bruxelles. Cette réforme semble abordable, dans la mesure où il existe déjà un système relativement similaire: actuellement, si douze parlements nationaux s’opposent à une règle européenne, ils peuvent demander à la commission de revoir sa copie. Londres souhaiterait un renforcement de ce principe.

Enfin, le quatrième panier est l’approfondissement du marché unique, notamment en matière d’énergie, de numérique et de marché des capitaux. Étant donné que Bruxelles partage les mêmes objectifs, cela ne pose pas de problème.