Le diagnostic ne laisse pas l’ombre d’un doute. Pour José-Manuel Barroso, la leçon de la crise grecque de ces derniers jours est qu’ « on ne peut pas avoir une Union monétaire sans une Union économique. S’ils n’en veulent pas, les Etats-membres de l’UE doivent avoir le courage de le dire... »

Le président de la Commission européenne présentait à la mi-journée à Bruxelles une « communication » de l’exécutif communautaire sur l’après-crise, et les mesures à prendre pour éviter de nouveaux dérapages budgétaires. Son intervention s’est déroulée peu de temps après l’annonce par le gouvernement espagnol de nouvelles coupes budgétaires, notamment concernant les salaires dans la fonction publique. L’Espagne, comme le Portugal ou l’Italie sont, après la Grèce, les pays les plus visés par les marchés en raison de la dégradation de leurs finances.

M. Barroso, accompagné de son commissaire pour les Affaires économiques Olli Rehn a brandi trois exigences nouvelles:

- 1 La nécessité de « renforcer » le pacte de stabilité et de croissance qui lie les membres de la zone euro en permettant à la Commission une surveillance accrue des budgets nationaux, avant qu’ils ne soient débattus par les parlements.

- 2 L’obligation pour les Etats-membres de l’UE de corriger leurs déséquilibres économiques et de prendre en compte les recommandations de Bruxelles pour y parvenir.

- 3.L’importance de créer à moyen terme un mécanisme européen de réponse aux crises, sur la base du dispositif financier adopté dans l’urgence dans la nuit de dimanche à lundi par les Vingt-Sept pour garantir un « filet de sécurité » allant jusqu’à 750 milliards d’euros.

Point important: ce catalogue de propositions, très attendues par les marchés et les gouvernements nationaux, ne nécessitera pas de révision des traités. Mais il reste encore indicatif. Des propositions de directives (les lois communautaires) viendront si nécessaire plus tard, une fois que les pays de l’UE auront été consultés. Un premier tour de table aura lieu les 17 et 18 mai, lors du prochain conseil des ministres des Finances. Elles feront ensuite l’objet de débats lors du sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union les 17 et 18 juin. Décision symbole de l’attrait toujours intact de la monnaie unique: la Commission s’est en outre prononcée pour l’entrée de l’Estonie dans la zone euro au 1er janvier 2011. Ce qui portera à dix-sept le nombre de pays membres.

Les deux aspects les plus cruciaux du dispositif proposé par Bruxelles sont la surveillance des budgets nationaux d’une part; et la capacité de la Commission à s’ériger ni plus ni moins à l’avenir en véritable « gendarme économique » pour empêcher une répétition des abus de la Grèce, dont les autorités avaient trafiqué les statistiques.

Sur le premier point, la Commission joue prudemment, en préférant parler de « revue par les pairs », plutôt que d’une intrusion communautaire dans le processus budgétaire de chaque Etat. « Il ne s’agira pas de contrôler les budgets nationaux, a expliqué José-Manuel Barroso, mais d’en réviser les grandes lignes et de donner, après consultation des ministres des Finances des Vingt-Sept, le maximum d’informations aux parlements nationaux dans le cadre européen. Il en va de notre intérêt commun ». Une volonté assurée de susciter la controverse, comme le prouvent déjà certaines réactions négatives en Suède ou en France.

Plus d’importance sera aussi accordée par Bruxelles à la surveillance de la dette, qui deviendrait un critère dans le déclenchement de la procédure pour déficit excessif si elle dépasse 60% du PIB et que son évolution récente est jugée préoccupante. L’ultime sanction proposée, en cas de dépassement, est la suspension des fonds de cohésion. Une menace toutefois aléatoire, étant donné que tous les pays de l’UE n’en sont pas bénéficiaires.

Sur son futur rôle de « gendarme » économique, la Commission s’est également efforcé de tracer des pistes. L’une de ses propositions est de créer « un tableau de bord » communautaire, réévalué tous les six mois, qui indiquerait les points noirs aux Vingt-Sept Etats-membres et les pousserait à intervenir pour corriger le tir. Un tel tableau incluerait une batterie d’indicateurs: coût du travail, productivité, montant des réserves, évolution des taux de change...pour permettre « d’évaluer les risques » et ouvrir ainsi la possibilité, pour Bruxelles, d’émettre des avertissements directs aux capitales.

Quant au futur mécanisme de gestion des crises, son statut et son rôle demeurent très flous. Le commissaire Olli Rehn s’est refusé à parler de « Fonds monétaire européen ». L’idée de base est en fait de prolonger l’existence de la facilité d’ajustement pour la balance des paiements créée dimanche pour les pays de la zone euro et dotée de 60 milliards d’euros, moyennant une stricte conditionnalité.

L’ensemble de ces propositions, en plus des discussions la semaine prochaine au niveau ministériel, figureront à l’agenda de la « Task force « sur la gouvernance économique réunie autour du président du Conseil européen Herman Van Rompuy, représentant en chef des pays-membres. Celle devrait se réunir le 22 mai. Des agendas superposés emblématiques de la compétition existante, ces jours ci, entre les différentes institutions de l’UE pour savoir qui assumera le leadership communautaire réclamé à cor et à cri.