Au Burkina Faso, victoire de l’ex-dauphin Blaise Compaoré
Afrique
Roch Marc Christian Kaboré a été élu dès le premier tour avec plus de 53% des voix

C’est le paradoxe burkinabé. Pour tourner définitivement la page des années Blaise Compaoré, les électeurs de ce pays ont largement choisi celui qui, des années durant, fut considéré comme son principal dauphin, son successeur désigné. Roch Marc Christian Kaboré, 58 ans, a remporté dès le premier tour dimanche, par un «coup KO» selon l’expression désormais consacrée en Afrique de l’ouest, l’élection présidentielle au Burkina Faso avec plus de 53% des voix, selon les résultats proclamés dans la nuit de lundi à mardi par la Commission électorale nationale indépendante. Le président de l’instance chargée d’organiser le scrutin, couplé avec des législatives, avait précédemment déclaré que malgré «quelques dysfonctionnements», «cette élection s’est déroulée dans le calme et la sérénité».
Son seul rival de poids dans la course présidentielle où s’étaient engagés 14 candidats, Zéphirin Diabré, un autre ancien baron du régime Compaoré, a recueilli moins de 30% des suffrages. Beau joueur, avant même l’officialisation de ces résultats par le Conseil constitutionnel, il s’est rendu au siège de campagne de son rival pour le féliciter, déclarant notamment n’avoir «aucune raison de douter de la sincérité des résultats publiés».
Devant ses militants venus l’acclamer, Roch Marc Christian Kaboré a lui rendu, «en ces moments historiques», «un hommage appuyé au peuple burkinabé et à tous les combattants de la liberté et de la démocratie dont certains ne sont plus de ce monde». Une référence à ceux tombés fin octobre 2014 dans l’insurrection ayant abouti à la chute de Blaise Compaoré, puis aux victimes de la tentative de coup d’Etat de septembre 2015 menée par la garde prétorienne du régime déchu.
Roch Marc Christian Kaboré, appuyé par Simon Compaoré, l’ancien maire de Ouagadougou, et surtout par son stratège, Salif Diallo, ont été parmi les principaux artisans du renversement par la rue de l’ex-autocrate, désormais réfugié en Côte d'Ivoire. Salif Diallo a également manœuvré en coulisses. Il a fait jouer ses réseaux dans l’armée et les palais présidentiels de la région, notamment au Niger, pour déjouer le putsch dirigé par le général Gilbert Diendéré dont l’un des objectifs, non avoué, était de barrer la route du pouvoir à ce trio.
Déchirure
Depuis la rupture de ces trois hommes avec Blaise Compaoré en janvier 2014, une lutte à mort oppose le camp des fidèles de l’ancien régime à ceux qui ont fait défection pour former le Mouvement du peuple pour le progrès, un parti principalement constitué de transfuges du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), l’ex-parti-Etat.
La déchirure n’est pas intervenue sur des motifs idéologiques, mais lorsque le président Compaoré s’est obstiné à vouloir modifier la Constitution pour briguer un nouveau mandat après vingt-sept années de pouvoir. Ancien premier ministre et dirigeant du CDP, président de l’Assemblée nationale pendant dix ans, Roch Marc Christian Kaboré avait un temps soutenu cette réforme, avant de se raviser puis de s’opposer farouchement à son ancien mentor. La large victoire dans les urnes de ce banquier de formation vient, d’une certaine manière, parachever le cauchemar de Blaise Compaoré, après une année de transition présidée par Michel Kafando, dont le principal objectif aura été de faire table rase du «système Blaise».