Erreur de communication, geste tactique ou simple manque de préparation? La tournée d’Hillary Clinton au Proche-Orient s’est soldée par le sentiment d’une cacophonie américaine, le désarroi palestinien et le triomphe visible du premier ministre israélien Benyamin Netanyahou. Trois jours durant, la secrétaire d’Etat américaine a tenté de corriger le tir: «Notre politique concernant les activités de colonisation n’a pas changé», a-t-elle expliqué mercredi au Caire où elle est allée chercher dans un rendez-vous arrangé à la dernière minute le soutien du président Hosni Moubarak.

Gel partiel ou total?

Hillary Clinton avait créé la surprise le week-end dernier en qualifiant le gel partiel de la colonisation proposé par Israël comme un «geste sans précédent» laissant ainsi entendre que Washington pourrait s’en contenter pour une reprise des négociations de paix. Elle s’écartait ainsi de la ligne qui est celle de la communauté internationale, des Etats-Unis et de Barack Obama en particulier, qui répétait il y a peu que le principe d’un gel total de la colonisation – y compris à Jérusalem-Est – était la condition d’une relance du processus de paix. Les Palestiniens y ont vu un camouflet, les Israéliens une «victoire du bon sens».

«Quelle que soit la façon de présenter les choses, il y a une reculade américaine, estime Elie Barnavi, professeur d’histoire à l’Université de Tel-Aviv et auteur d’un livre qui appelle à un plus grand engagement américain dans la région*. Si on demande le gel de la colonisation, il faut s’y tenir. Là, l’administration d’Obama donne des signes de cafouillage, d’actes non réfléchis, de faiblesse. Or, dans la région, il n’y a rien de pire que les signes de faiblesse.»

Face au tollé provoqué par ses propos – la Ligue arabe parle alors de «choc» et de «régression» –, Hillary Clinton a fait machine arrière dès lundi. «Ce que nous avons reçu des Israéliens est sans précédent» et constitue «un mouvement positif», mais «ce n’est pas ce que nous préférons», corrige-t-elle. En coulisse, un officiel du Département d’Etat avoue à la BBC que les propos de sa cheffe n’étaient pas clairs, suggérant qu’elle avait pris son équipe au dépourvu.

Eviter un blocage

Ce «dérapage» s’inscrit dans un contexte de pourrissement sur le terrain, les allées et venues de l’envoyé spécial américain pour le Proche-Orient, George Mitchell, n’ayant jusqu’ici abouti à aucun résultat concret. Depuis plusieurs semaines, Washington cherche à donner des gages de son soutien à l’allié israélien alors que la cote de popularité de Barack Obama est au plus bas. Après le discours de la main tendue au monde musulman du Caire en juin dernier, les Israéliens ne comprennent pas pourquoi le président américain ne vient pas à Jérusalem en faire autant.

Devant l’intransigeance de Benyamin Netanyahou, Washington a préféré lâcher du lest plutôt que risquer un blocage de sa médiation. C’était surestimer la capacité d’encaisser les coups du côté d’une Autorité palestinienne (AP) déjà très fortement affaiblie. «On ne va pas continuer des négociations pour le seul plaisir de négocier, a déclaré mercredi à Ramallah le négociateur palestinien Saëb Erakat. Les Israéliens ont le choix: les colonies ou la paix. […] Si Netan­yahou continue de construire 3000 logements, exclut Jérusalem et les bâtiments publics (d’un gel de la colonisation), la relance des négociations est mort-née.»

Le ton n’est toutefois pas le même au Caire. «Nous devons nous concentrer sur l’objectif final plutôt que de perdre du temps à exiger telle ou telle chose», a expliqué le ministre égyptien des Affaires étrangères, Ahmed Aboul Gheit, qui s’est dit convaincu par les explications d’Hillary Clinton. En clair, il faut renoncer à la précondition du gel des colonies. «La seule méthode pour reprendre l’initiative est que les Etats-Unis posent sur la table un plan de paix dont on connaît les grandes lignes et fixent un calendrier contraignant», renchérit Elie Barnavi.

«*Aujourd’hui ou peut-être jamais. Pour une paix américaine au Proche-Orient, Ed. André Versailles.»