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Le Cambodge célèbre le 25e anniversaire de la fin du régime génocidaire

Le 7 janvier 1979, l'armée vietnamienne pénétrait dans Phnom Penh, libérant le peuple des griffes de Pol Pot. Le procès des dirigeants est en vue

Les Cambodgiens ont fêté mercredi le 25e anniversaire de la chute du régime génocidaire des Khmers rouges par des cérémonies aussi sobres qu'officielles. Il y a exactement un quart de siècle, les chars de l'armée vietnamienne entraient dans Phnom Penh, totalement vidée de ses habitants, et les Khmers rouges en déroute fuyaient vers la frontière thaïlandaise. Ce régime ultra-radical d'inspiration maoïste, qui avait coûté la vie à 1, 7 million de personnes, exécutées, mortes de maladie ou d'épuisement, s'effondrait, laissant derrière lui une population traumatisée.

Cette année, comme les années précédentes, la célébration de la «victoire du 7 janvier» n'a guère soulevé l'enthousiasme populaire. Le président du parti au pouvoir, le Parti du peuple cambodgien, Chea Sim, a déclaré devant quelques milliers de Phnom Penhois: «Nous pourrons très bientôt refermer complètement ce sombre chapitre grâce à la mise en place réussie d'un tribunal pour juger les crimes.»

Après cinq années de négociations difficiles, le gouvernement cambodgien et les Nations unies semblent en effet s'être enfin mis d'accord pour l'établissement d'un tribunal devant lequel devrait comparaître la dizaine de responsables khmers rouges encore vivants. Fruit d'un compromis, ce «tribunal cambodgien à caractère international» sera composé de juges et de procureurs cambodgiens et étrangers. Le parlement cambodgien, dont les sessions sont perturbées par des conflits entre différents partis politiques, doit encore ratifier ce compromis, ce qui pourrait traîner. En tout état de cause, sauf nouveau blocage, le procès devrait se tenir avant la fin de cette année.

Aveu de l'ex-chef d'Etat

Les derniers hauts dirigeants khmers rouges – certains vivant tout à fait librement à Phnom Penh, comme Ieng Sary, l'ancien chef de la diplomatie du régime – réalisent qu'ils vont bientôt devoir rendre des comptes. Khieu Samphan, l'économiste formé à la Sorbonne qui devint chef d'Etat du Kampuchéa démocratique, a contacté en septembre dernier une organisation d'aide juridique à Phnom Penh, le Projet des défenseurs cambodgiens, pour commencer à organiser sa défense. Dans de récentes interviews, il a admis l'existence d'un génocide commis par le régime de Pol Pot.

C'est la première reconnaissance du génocide par un haut dirigeant khmer rouge. Khieu Samphan dit avoir été convaincu en visionnant un documentaire réalisé par le cinéaste franco-cambodgien Rithy Panh sur le centre de tortures de Tuol Sleng à Phnom Penh. «J'ai totalement changé mon point de vue après avoir vu ce film. Je n'avais jamais cru que des gens pouvaient être tués pour avoir volé une pomme de terre afin de survivre», a-t-il déclaré à l'AFP. Khieu Samphan a été membre du Comité directeur de l'Angkar, l'organisation suprême khmère rouge, pendant toute la durée du régime d'avril 1975 à janvier 1979. De sa retraite de Pailin, une bourgade sur la frontière thaïlandaise, Nuon Chea, l'ex-numéro deux du régime après Pol Pot (décédé en 1998), a annoncé qu'il ferait face aux juges seul. «Si les gens n'ont pas d'argent, les avocats ne les aident pas. Où est la justice?» s'est-il exclamé.

«La machine de mort khmère rouge», Rithy Panh, 2003.