Afrique
Le parti du président zimbabwéen Robert Mugabe a revendiqué jeudi une large victoire aux élections générales de mercredi. Mais son Premier ministre et adversaire Morgan Tsvangirai a estimé qu’elles étaient «nulles et non avenues», dénonçant une «énorme farce» et de très importantes irrégularités.

«Nous avons gagné dans un fauteuil. Nous avons vaincu le MDC», le parti du Premier ministre Morgan Tsvangirai, a indiqué un haut responsable du parti présidentiel Zanu-PF.
Cette victoire «concerne tout, les élections présidentielle, législatives et municipales», a-t-il précisé, ajoutant que le parti avait remporté de nombreux sièges aux législatives dans les villes, traditionnellement acquises au camp Tsvangirai.
Les résultats officiels du premier tour de la présidentielle ne sont pas attendus avant lundi, un éventuel deuxième tour devant être organisé le 11 septembre pour départager Robert Mugabe et Morgan Tsvangirai si aucun n’obtient 50% des voix dès mercredi.
«A notre avis, cette élection est nulle et non avenue», a rétorqué Morgan Tsvangirai lors d’une conférence de presse, ajoutant que c’est «une élection factice qui ne reflète pas la volonté du peuple».
«A notre avis, ce scrutin ne répond pas aux normes de la SADC (Communauté d’Afrique australe, ndlr), de l’UA (Union africaine) et de la communauté internationale pour une élection crédible, légitime, libre et honnête», a-t-il expliqué, car «sa crédibilité a été entachée par des violations administratives et juridiques qui affectent la légitimité du résultat».
Morgan Tsvangirai n’a pas souhaité commenter les revendications de victoire du camp présidentiel, alors que des policiers anti-émeute étaient déployés à proximité du siège de son parti.
Ses services ont produit une liste d’irrégularités en dix points, allant de la falsification des listes électorales à l’intimidation des électeurs par le biais de pressions exercées par les chefs traditionnels.
L’ONG Zimbabwe Election Support Network (ZESN), qui avait déployé environ 7.000 observateurs pendant le scrutin, a estimé que jusqu’à un million d’habitants des villes avaient disparu des listes électorales.
«Quel que soit le résultat, la crédibilité des élections […] est sérieusement compromise par un effort systématique visant à priver les électeurs urbains de leurs droits électoraux», a relevé son président Solomon Zwana lors d’une conférence de presse jeudi.
Les listes électorales n’ont été rendues publiques que moins de vingt-quatre heures avant le scrutin, rendant impossible toute vérification sérieuse, et a fortiori tout recours. Elles comptent 6,4 millions d’inscrits, sur une population estimée à 12,9 millions d’habitants.
Alors que les observateurs de l’UA ont qualifié mercredi soir le scrutin de «libre et honnête» selon les premiers éléments, ceux de la SADC n’avaient toujours fait aucun commentaire jeudi à la mi-journée.
L’organisation catholique sud-africaine Denis Hurley Peace Institute a affirmé que la participation avait été de seulement 32% dans la seconde ville du pays, Bulawayo, tandis que la commission électorale s’est félicitée d’une «forte participation» dans tout le pays.
A Washington, le département d’Etat américain s’est félicité de ce que les élections aient été «paisibles», mais a noté qu’il était trop tôt pour dire si elles avaient été équitables. «Nous avons fait comprendre aux gouvernements du Zimbabwe et de la région que nous ne réduirons nos sanctions que si ces élections sont crédibles, transparentes et le reflet de la volonté des Zimbabwéens», a indiqué sa porte-parole Marie Harf.
Les élections de mercredi doivent départager le président Robert Mugabe, au pouvoir depuis l’indépendance en 1980, et son Premier ministre de cohabitation Morgan Tsvangirai.
Lors de la dernière présidentielle, en 2008, Morgan Tsvangirai avait pris l’avantage avec 47% des voix au premier tour, contre 43% à Robert Mugabe. Les partisans du président s’étaient alors déchaînés contre leurs opposants, faisant près de 200 morts.
Pour éviter une guerre civile, Tsvangirai avait retiré sa candidature, laissant le sortant seul en lice pour le second tour. Puis il avait accepté en 2009 de cohabiter avec Mugabe, sous la pression de la communauté internationale, pour mettre fin aux violences. Mais, bien que devenu Premier ministre, il n’a pu imposer ses choix politiques.