«Nous n'avons besoin d'aucune confirmation, nous savons à coup sûr que Maskhadov [ndlr: le leader indépendantiste tchétchène] et ses bandits sont liés à cette terreur», accusait un Vladimir Poutine à la mine sombre, quelques heures après l'attentat. «La Russie ne mène pas de négociations avec les terroristes, elle les élimine», déclarait le président, retrouvant les accents de ses débuts quand il assénait que la Russie «butera les terroristes jusque dans les chiottes».
Il était 8 h 32 vendredi matin quand la détonation a retenti. Entre deux stations de métro, Avtozavodskaïa et Paveletskaïa. A bord du deuxième wagon. Soufflé par l'explosion d'une bombe d'une puissance équivalant à 5 kg de TNT, le train ralentit. A bord du wagon bondé de Russes en route vers leur travail, c'est la confusion. Fumée, vitres éclatées, portes bloquées, les nombreux passagers tentent de quitter l'amas de ferraille. «Je me suis approché du deuxième wagon, raconte Vadim, un jeune Moscovite qui était à bord du quatrième wagon. La porte était à moitié défoncée, les gens criaient, appelaient à l'aide. Ils tentaient de sortir.»
Le regard hagard, les cheveux souillés de sang, une jeune fille tente de raconter: «Des bras, des jambes sur la voie ou dans le wagon, je ne sais plus. Je voulais sortir de là, c'est tout. J'ai marché jusqu'à la station suivante.» Rapidement, secouristes, policiers et agents du FSB, les services secrets russes, affluent aux deux stations. Le quartier est quadrillé.
Vendredi soir, les enquêteurs privilégiaient la piste d'un attentat kamikaze tchétchène. Le mode opératoire rapproche l'attentat de vendredi de ceux de septembre et décembre dans un train de banlieue du Caucase qui avaient été revendiqués par le très radical chef de guerre Chamil Bassaïev. Mais, selon la mairie de Moscou, l'explosif utilisé n'était pas, cette fois, «une ceinture de martyr» comme par le passé, mais une charge contenue dans un sac ou une valise posés au sol.
La recherche et l'identification des corps des victimes étaient rendues difficiles par la puissance de l'explosion, qui a littéralement «aspiré les parois du wagon», selon un sauveteur. «Nous avons du mal à ouvrir le wagon et, à l'intérieur, il y a des morceaux de corps partout, il est difficile d'établir un décompte des victimes.»
Les autorités russes ont renforcé les mesures de sécurité dans la capitale, mais aussi à Saint-Pétersbourg, et dans toutes les grandes villes de Russie. Les aéroports, les gares et le métro de Moscou font l'objet d'une surveillance accrue. La capitale n'avait pas connu de telles mesures depuis l'attentat-suicide lors d'un festival rock en juillet dernier quand «l'état de vigilance» avait été décrété et que la place Rouge avait été fermée au public.
«L'ennemi intérieur»
«Le pouvoir actuel est incapable de protéger son peuple, regrettait vendredi Sergueï Glaziev, le leader de la coalition rouge-brun à la Douma. Il n'y a pas de responsables prêts à prendre des mesures fermes et, même si celles-ci sont prises, elles visent des citoyens ordinaires et pas les terroristes.» Même constat de l'association des victimes de la prise d'otages d'un théâtre de Moscou en octobre 2002, qui a écrit au président russe: «En ces jours de campagne électorale, il nous est amer et douloureux de vous poser, Vladimir Poutine, une question: êtes-vous réellement le garant de notre sécurité, de notre doit à la vie?»
Le député pro-Kremlin Dmitri Rogozine suggérait, lui, de décréter l'état d'urgence à quelques semaines de l'élection présidentielle et pointait du doigt «l'ennemi»
intime: «L'ennemi est ici, à l'intérieur. Cette communauté ethnique criminelle [les Tchétchènes] soutient les terroristes qui viennent à Moscou, y possède des biens et impose sa volonté aux autorités.»