L’Egypte a surpris par la dureté de ses positions envers ses traditionnels alliés. Dimanche, elle annonçait l’arrêt des exportations de gaz vers Israël. Le lendemain, huit ONG américaines apprenaient qu’elles étaient bannies du territoire égyptien, leurs activités étant «incompatibles avec la souveraineté de l’Etat».

Les autorités n’en sont pas à leur premier coup de force. Une enquête commanditée par la ministre de la Coopération étrangère, Fayza Abul Naga, avait conduit en décembre dernier à la fermeture des locaux de plusieurs ONG, dont quatre américaines, au motif qu’elles n’étaient pas officiellement enregistrées et recevaient des fonds illégaux de l’étranger. Dans la foulée, 43 membres d’ONG, dont 16 Américains, avaient été inculpés, accusés de travailler sans autorisation et de s’être ingérés dans les affaires politiques du pays.

La nouvelle avait provoqué une vague d’indignation au Congrès américain. Plusieurs élus avaient menacé le maréchal Tantaoui de supprimer l’aide de 1,55 milliard que Washington verse chaque année à l’Egypte, dont 1,3 milliard destinés aux militaires. Charles Dunne, directeur pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord de Freedom House, l’une des ONG interdites par l’armée égyptienne, estimait alors que les Etats-Unis étaient la cible directe de ce tour de vis. «Le gouvernement veut s’attirer le soutien de la population en attisant le sentiment nationaliste», disait-il. La pression est retombée depuis que les autorités égyptiennes ont permis aux Américains inculpés de retourner dans le pays.

Contrat gazier avec Israël

Accuser les ONG étrangères de fomenter des manifestations contre le pouvoir fait partie de la rhétorique nationaliste du Conseil suprême des forces armées, depuis qu’il a remplacé le président déchu Hosni Moubarak à la tête de l’Etat en février 2011. En janvier dernier, les Frères musulmans ont entonné le même air en accusant les activistes libéraux d’utiliser des fonds étrangers pour semer le chaos en Egypte.

Dernier objet de tension en date, le contrat de gaz entre Le Caire et Tel-Aviv. En décidant unilatéralement de mettre fin à ses exportations vers Israël, l’Egypte a agité le spectre d’une rupture de l’accord de paix qui lie les deux pays depuis 1979. Officiellement, Le Caire reproche à son partenaire de ne pas avoir payé sa facture gazière depuis quatre mois et exige une renégociation des tarifs en cas de reprise des livraisons. Officieusement, les autorités sont soupçonnées de hausser le ton envers l’Etat hébreu pour plaire à l’opinion publique.

Le contrat d’approvisionnement, conclu en 2005 sous le règne de Hosni Moubarak à un prix que les Egyptiens estiment sous-évalué, fait l’objet d’un vif mécontentement populaire. En un an, près de 14 attaques non revendiquées ont visé le gazoduc, qui fournit à Israël plus de 40% de sa consommation de gaz.

L’Assemblé du peuple, dominée par les Frères musulmans, a salué lundi l’arrêt des exportations à «l’entité sioniste», estimant que cela «reflète la volonté du peuple égyptien». A un mois de l’élection présidentielle, la fragmentation de la scène politique augure mal d’un règlement des tensions à court terme, chacun tentant de mobiliser le débat.