Comment sortir du piège? Le chef de la diplomatie équatorienne, Guillaume Long, a passé ces trois derniers jours à Genève. Au programme, diverses questions liées à la Genève internationale, mais surtout l’occasion de multiplier les rencontres, avec cette seule question en tête: sur quel soutien international peut encore compter l’Equateur? Qui est prêt à suivre cet Etat tandis qu’il abrite depuis quatre ans, dans son ambassade à Londres, le requérant d’asile le plus fameux de la planète: Julian Assange.

C’est peu dire que le combat qui oppose Quito à la Grande-Bretagne, à la Suède et aux Etats-Unis est épuisant pour la diplomatie équatorienne. «Notre ambassade à Londres est devenue une allégorie de ce que nous devons subir quotidiennement en termes de pressions», explique Guillaume Long au Temps.

«Etat de siège»

Auparavant, le ministre avait rappelé devant la presse le détail de cette situation: le fondateur du site de divulgation d’informations WikiLeaks «est virtuellement en état de siège. Il est reclus dans un espace clos, les fenêtres doivent rester fermées, ses conversations sont sur écoute, des caméras sont installées partout, Internet ne fonctionne qu’épisodiquement. Bref, toutes nos installations sont piratées.»

Le ministre équatorien a conscience que son pays n’a pas la partie facile. Et ce, pas seulement en termes d’espionnage, mais aussi pour ce qui est de sa marge de manœuvre diplomatique. «Nous l’avons dit partout: l’Equateur n’a nullement l’intention d’entraver la justice. Mais nous craignons que Julian Assange puisse être victime d’une persécution politique.» Refuser d’offrir un refuge à Assange reviendrait ainsi, pour Quito, à bafouer les textes de loi garantissant le droit à l’asile diplomatique – dont la Convention de Caracas de 1954.

L’Equateur réclame des garanties

«La santé de Julian Assange se détériore», a pu constater le ministre qui lui a rendu visite à Londres le 19 juin dernier. Mais l’Equateur n’en démord pas. Il veut des garanties qui rendraient impossible une extradition de l’Australien vers un pays tiers, autre que la Suède. Stockholm a déposé un mandat d’arrêt européen contre le fondateur de WikiLeaks dans le cadre d’accusations de viol lancées par une ressortissante suédoise en 2010. Mais aucune charge précise ne pèse contre lui, souligne le chef de la diplomatie équatorienne. Surtout, à l’instar du vice-président Joe Biden, des responsables américains accusent Assange d’être un «terroriste», insiste Guillaume Long, et il y a fort à parier qu’Assange finirait par être conduit aux Etats-Unis.

En février dernier, à Genève, le groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire avait estimé que les justices britannique et suédoise ont infligé des traitements inadéquats à Assange, notamment en lui faisant subir «une privation de liberté continue» de manière injustifiée. Ces conclusions onusiennes avaient cependant été rejetées par ces deux pays. «En matière de droit international, on ne peut pas choisir seulement ce qui nous convient», s’insurge le ministre équatorien. A ses yeux, ces pays ne peuvent pas passer leur temps à faire la leçon aux autres sur les questions liées aux droits de l’homme et refuser de s’y plier eux-mêmes. «Peu de monde osera se montrer si affirmatif dans les enceintes internationales, conclut le ministre. Mais croyez-moi, dans mes conversations privées, je vois bien que beaucoup d’Etats comprennent très bien notre position.»