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Le changement de stratégie de défense de Saddam Hussein

Selon certains experts, l'ex-dictateur va tenter de présenter comme «raisonnables» les exécutions de 1982 dans un IRAK. en guerre.

Si ce n'est pas une volte-face, cela y ressemble beaucoup. Mercredi, lors de son procès, le dictateur déchu Saddam Hussein a admis sa responsabilité dans le massacre de 148 personnes, dont des enfants, dans la petite ville de Doujaïl en 1982. «C'est moi qui ai donné l'ordre. Ce n'est pas mon habitude de me reposer sur les autres», a-t-il déclaré.

Après avoir systématiquement dénigré la légitimité du Haut tribunal irakien chargé d'instruire son procès, Saddam semble manifestement adopter une nouvelle stratégie de défense. Selon des experts juridiques, l'ex-président irakien va tenter de présenter comme des actes raisonnables les exécutions «provoquées» par la milice chiite qui a essayé de l'assassiner en 1982. A l'époque, l'Irak était en guerre contre l'Iran. Saddam va, selon ces experts, essayer de présenter ces actes comme légaux en vertu des lois et de la Constitution en vigueur à ce moment. Une manière de dire qu'en tant que chef de l'Etat, «il a agi dans ses droits». Professeur de droit ayant formé les juges du procès de Saddam et aidé à établir le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, Michael Scharf, cité par le Christian Science Monitor pense que la défense va comparer le cas de Doujaïl à ce qu'ont fait les Etats-Unis en Afghanistan ou en Irak.

Spécialiste de droit pénal international, Marc Henzelin ne partage pas cette vision. «En agissant ainsi, Saddam Hussein se donne une stature de héros national. Il veut laisser une trace dans l'Histoire. Mais cela ne changera probablement rien au verdict. J'imagine mal qu'on ne condamne pas Saddam à mort. Le condamner à perpétuité pourrait, dans le monde arabe, être considéré comme une faiblesse», relève l'avocat genevois. De fait, jeudi, plusieurs Irakiens n'ont pas caché leur fierté de voir leur ancien président se défendre en chef d'Etat. «Quand il est arrivé au pouvoir, l'Irak était un village. Il l'a transformé en un grand pays. Et ceux qui sont au pouvoir aujourd'hui, qu'ont-ils fait? Ces derniers jours, il y a eu plus de morts que les 148 de Doujaïl», souligne un commerçant interrogé par l'AFP. Maintenant que l'ex-dictateur a admis sa responsabilité, mais pas sa culpabilité, certains demandent que le procès se termine.

Mort ou perpétuité?

Au vu de l'aura dont bénéficie l'ex-raïs, le procès de Saddam pourrait vite devenir un vrai casse-tête. Le condamner à mort? C'est susciter certainement de vives réactions sunnites à un moment où les rivalités intercommunautaires ont provoqué des explosions de violences. Notamment à Samarra où une mosquée chiite a été dynamitée. Le garder en prison à perpétuité? C'est maintenir un mythe vivant avec tous les risques que cela comporte dans un Irak qui pourrait basculer dans la guerre civile.

Même s'il a l'impression de prêcher en plein désert, Marc Henzelin pense qu'en lieu et place d'un tribunal où les juges ont été nommés par l'exécutif irakien, il aurait été préférable d'avoir un Tribunal pénal international. «Une telle instance aurait difficilement pu être accusée de partialité et aurait permis d'extraire le procès d'un contexte irakien très difficile au plan de la sécurité et de l'apport des preuves. Elle aurait élevé la légitimité juridique et politique de ce procès.»