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Dans le chaos syrien, l’ONU n’est plus considérée comme neutre

La branche syrienne d’Al-Qaida formule des revendications exorbitantes pour libérer les Casques bleus capturés sur le Golan

Des casques bleus patrouillent dans la zone tampon entre Israël et la Syrie escortés par un rebelle sur une moto. — © AFP
Des casques bleus patrouillent dans la zone tampon entre Israël et la Syrie escortés par un rebelle sur une moto. — © AFP

Dans le chaos syrien, l’ONU n’est plus considérée comme neutre

-Orient La branche syrienne d’Al-Qaida formule des revendications exorbitantes pour libérer les Casques bleus capturés sur le Golan

Les traits tirés, le commandant de l’armée fidjienne a égrené mardi les revendications du Front Al-Nosra pour libérer les 45 Casques bleus de l’archipel capturés jeudi dernier en Syrie, non loin de la frontière israélienne. Celles-ci sont exorbitantes. En plus de demander de l’argent – le commerce des otages est une source de revenus importante pour les groupes rebelles en Syrie –, la branche syrienne d’Al-Qaida formule des revendications politiques.

«Le Front Al-Nosra veut que l’ONU le retire de la liste des organisations terroristes. Il réclame davantage d’aide humanitaire dans la Ghouta, à la périphérie de Damas, ainsi que des compensations pour trois de leurs combattants victimes des affrontements avec l’ONU», a annoncé le général fidjien Mosese Titoitoiga devant les médias locaux.

Impossible à satisfaire

Les Casques bleus avaient été capturés à la suite de combats entre l’armée syrienne et des groupes rebelles, dont Al-Nosra, près de Quneitra. Ils patrouillaient dans la zone tampon entre Israël et la Syrie. Une septantaine de soldats philippins encerclés par les islamistes avaient pu se dégager après d’intenses échanges de tirs.

La radiation de la liste terroriste a tout de la revendication impossible à satisfaire. Une fois inscrit, il est extrêmement difficile d’en sortir.

Soixante-sept groupes, entités ou entreprises associées à Al-Qaida figurent sur la liste de l’ONU ainsi que 217 individus. Dans les deux cas, il est interdit de commercer avec eux et tous leurs avoirs ou fonds sont bloqués. La liste date de 1999, mais ce n’est que dix ans plus tard qu’une instance de recours a été créée. Les personnes ou entités s’estimant injustement listées peuvent s’adresser à un médiateur, un poste occupé par Kimberley Prost, une ancienne juge canadienne.

Il paraît impensable qu’elle accède aux demandes d’Al-Nosra. Car les sanctions à l’encontre de la franchise syrienne d’Al-Qaida et de son rival de l’Etat islamique (EI), qui contrôle un large territoire à cheval sur la Syrie et l’Irak, ont été renforcées à la mi-août par le Conseil de sécurité de l’ONU.

Message menaçant

Dans un message authentifié par le centre d’information sur les sites islamistes basés aux Etats-Unis, un porte-parole du groupe armé avait dénoncé «la complicité de l’ONU» avec le président syrien Bachar el-Assad. En effet, la résolution onusienne placée sous le chapitre VII autorisant des actions coercitives avait été adoptée à l’unanimité. A contrario, le Conseil de sécurité n’a jamais pris de telles mesures à l’encontre du régime syrien, couvert par les veto de son allié russe.

Les revendications d’Al-Nosra mettent l’ONU dans une posture encore plus délicate en Syrie. Outre les Casques bleus sur le Golan, les agences humanitaires de l’ONU comptent environ une centaine d’employés internationaux en Syrie. Autant de cibles potentielles. Comme en témoignent les revendications d’Al-Nosra, l’organisation n’est plus considérée comme neutre. A de rares exceptions, elle opère depuis Damas dans les zones sous contrôle gouvernemental.

A Genève, dans les couloirs du Palais des Nations, on estimait que l’enlèvement des Casques bleus ne changerait pas les mesures de sécurité. «Les expatriés font déjà preuve d’une grande prudence et limitent au maximum leurs déplacements», confie un responsable onusien. Les plus gros risques sont pris par les employés syriens, qui ont déjà payé un lourd tribut au conflit.