PrOche-Orient
Dans un article signé par son président Peter Maurer, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) dénonce la politique d’occupation de l’Etat hébreu. L’organisation humanitaire espère porter le débat au sein de la société israélienne
Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) perd patience avec Israël. Rompant avec les habitudes de confidentialité de l’institution, son président Peter Maurer a décidé de dénoncer publiquement la politique d’occupation israélienne en des termes fort peu diplomatiques.
Dans un article publié lundi dans la Revue internationale de la Croix-Rouge, à l’occasion du 150e anniversaire du mouvement, Peter Maurer pointe «la pression constante sur la population palestinienne», «l’usage excessif récurrent de la violence armée» et «l’incapacité d’une génération de décideurs à trouver des moyens constructifs pour améliorer la vie de millions de Palestiniens».
L’organisation humanitaire est présente en Israël et en Palestine depuis 1948. Il s’agit d’une de ses plus anciennes missions. L’occasion d’avoir une analyse «honnête», selon Peter Maurer, de la politique de l’Etat hébreu à l’égard des Palestiniens.
Le mur de séparation érigé à l’intérieur de la Cisjordanie est «un cas d’espèce», écrit le président. «De la façon dont elle a été conçue, construite et est maintenant gérée, la barrière ne peut être justifiée comme une mesure de sécurité, car elle consolide et perpétue la présence des colonies.»
La poursuite de la colonisation est d’ailleurs contraire au droit international humanitaire, réaffirme le président du CICR, puisqu’elle modifie l’équilibre démographique de la Cisjordanie. Enfin, Israël ne saurait se dédouaner de la «situation économique et sociale déprimante» de la bande de Gaza, car il contrôle toujours ses frontières.
«Ces positions ne sont pas nouvelles, mais nous n’avions peut-être jamais été aussi affirmatifs», explique Juan Pedro Schaerer, chef de la délégation du CICR à Tel-Aviv. «La nouveauté est que nous souhaitons aujourd’hui ne plus nous limiter au seul dialogue bilatéral avec les autorités, susciter un débat constructif au sein de la société israélienne et nous exprimer clairement et publiquement sur ces questions. L’article de Peter Maurer sera suivi par d’autres initiatives dans un proche avenir», annonce-t-il.
Si le CICR a décidé de changer de stratégie, c’est que les échanges avec les autorités s’apparentent à un dialogue de sourds. Peter Maurer avait rencontré le premier ministre Benyamin Netanyahou en juillet dernier. Apparemment sans succès. «Le CICR n’a pu engager aucun dialogue sérieux avec le gouvernement israélien sur l’impact de l’annexion de Jérusalem-Est sur les Palestiniens, sur le tracé de la barrière en Cisjordanie ou sur les colonies», se désole Peter Maurer.
Un désaccord de fond oppose l’Etat hébreu au CICR depuis quarante ans. Dès le lendemain de la guerre des Six-Jours et des conquêtes israéliennes de 1967, le CICR a estimé que les territoires palestiniens étaient sous occupation militaire, une situation qui n’aurait depuis pas fondamentalement changé. La puissance occupante a donc des responsabilités particulières en vertu de la IVe Convention de Genève, dont le CICR est le garant. Mais Israël a toujours rejeté cette lecture juridique.
L’Etat hébreu fait valoir qu’il a transféré ses responsabilités à l’Autorité palestinienne depuis 1995 et s’est retiré de Gaza en 2005, une position réitérée dans un article publié parallèlement à celui de Peter Maurer et signé par Alan Baker, ancien conseiller juridique du Ministère israélien des affaires étrangères.
Israël n’a pas souhaité réagir sur le fond des reproches du CICR, mais Eviatar Manor, l’ambassadeur auprès des Nations unies à Genève, a lâché: «Nous menons nos relations discrètement et directement avec le CICR, non par le biais des médias.»
«Le CICR n’a pu engager aucun dialogue sérieux avec le gouvernement israélien»