Asie
Sur le commerce ou la mer de Chine du Sud, les premiers propos du nouveau président américain et de son équipe inquiètent Pékin

Au lendemain de son élection, Donald Trump bénéficiait encore d’une bonne image en Chine. Sa fortune inspirait sinon le respect du moins l’espoir qu’il serait plus facile de négocier avec lui qu’avec Hillary Clinton. Et que ses propos de candidat ne seraient pas ceux du président des Etats-Unis.
Aux premiers propos, ou tweets, lâchés par le nouveau locataire de la Maison-Blanche, le gouvernement chinois choisissait de temporiser, mettant en avant la nécessaire «collaboration» entre les deux plus grandes puissances à l’économie si imbriquée. Samedi encore, au lendemain de son investiture, le président Xi Jinping écrivait à son homologue pour, une nouvelle fois, le féliciter, et lui rappeler que la politique de la Chine unique (Taïwan en faisant partie) constitue un prérequis à toute relation avec Pékin.
Lire aussi notre éditorial: Le cadeau de Donald Trump à Pékin, malgré lui
Leadership commercial
Ce ton apaisant semble avoir vécu depuis les actions et déclarations de ce début de semaine de la nouvelle administration Trump. Lundi, le nouveau président a tenu une de ses promesses de campagne. Il a signé l’acte de retrait des Etats-Unis du traité de libre-échange transpacifique (TPP), défendu par son prédécesseur, mais pas encore ratifié. «Nous en parlions depuis longtemps», a déclaré Donald Trump lors de la signature dans le Bureau ovale. Voilà «une bonne chose pour le travailleur américain», a-t-il ajouté. Pékin y voit au contraire la première étape d’une politique protectionniste.
Lire aussi: Comment la Chine peut profiter du protectionnisme de Donald Trump
Paradoxalement, la mort clinique de ce traité pourrait pourtant profiter à la Chine. Après le repli américain, la deuxième économie du monde devient, de facto, le moteur de la mondialisation et du commerce. Mardi, Pékin a dit prendre ses «responsabilités» et va pousser ses propres accords, dont le RCEP. Ce partenariat avec l’Asie du sud-est, moins ambitieux que le TPP, notamment pour l’environnement ou la protection des travailleurs que le TPP, pourrait influencer les règles du commerce international, comme le redoutait Barack Obama.
Taxe sur les produits chinois
En outre, Donald Trump risque de fâcher ses alliés dans la région. Ces derniers tentent d’ailleurs de sauver un traité qu’ils considèrent comme bon pour la croissance. Mardi, l’Australie a fait savoir qu’elle avait profité du Forum économique mondial de Davos pour y réfléchir. Elle travaille à l’idée d’y inviter la Chine, ce que Barack Obama refusait.
Lire aussi: Pour Donald Trump, le «Made in China» comme champ de bataille
Cependant, le retrait du TPP signale que le nouveau président américain pourrait bien prendre d’autres mesures fortes. Comme imposer à 45% les produits «Made in China» exportés aux Etats-Unis. C’est sans doute ce qui inquiète le plus Pékin, qui veut éviter une «guerre commerciale», mais qui ne reste pas inactif. «La Chine se prépare à riposter», a averti la semaine dernière à Pékin le président de la Chambre de commerce américaine en Chine.
Mer de Chine du Sud
Il y a cependant encore plus grave pour la Chine communiste: la remise en cause de son autorité sur ce qu’elle considère son territoire. Mardi, lors d’un point de presse habituel, la porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères a déclaré que «la souveraineté de la Chine sur les îles de mer de Chine du sud et leurs eaux adjacentes est indiscutable» et que «la Chine est résolue à sauvegarder ses droits et ses intérêts». Ces propos répliquaient à ceux du nouveau porte-parole de la présidence américaine, Sean Spicer. Lundi, à Washington, il a avancé que «si ces îles sont en fait dans les eaux internationales et ne font pas proprement dit partie de la Chine, nous ferons en sorte de défendre les (intérêts) internationaux pour qu’ils ne soient pas sapés par un autre pays.»
Lire également: Au WEF, Xi Jinping donne une leçon de mondialisation
La souveraineté de cette mer est contestée par plusieurs pays de la région, la Chine en revendiquant la plus grande partie. Pékin a commencé à militariser des îlots artificiels. Or il y a deux semaines, le futur secrétaire d’Etat américain avait déjà irrité les Chinois, comparant ces îlots à l’annexion de «la Crimée par la Russie». Rex Tillerson avait ajouté que les constructions devaient cesser et que leur accès «ne sera plus permis». Si cela se faisait, cela reviendrait à «un acte de guerre», avait déclaré à Reuters un spécialiste américain du dossier.
Rencontre entre Xi et Trump?
Enfin, alors que d’aucuns appellent à une rencontre entre Donald Trump et Xi Jinping pour désamorcer la tension croissante, le Global Times souhaite un renforcement de «l’arsenal nucléaire chinois». Réputé pour son populisme, le tabloïd à la botte de Pékin estime qu’il faut gonfler la capacité de dissuasion de la Chine pour forcer la nouvelle Amérique de Donald Trump à la respecter. «Promouvoir la communication et la compréhension mutuelle ne suffit pas», selon l’éditorial diffusé hier.