Directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques, Pascal Boniface* analyse l’attribution du Prix Nobel de la Paix au président américain Barack Obama.
Le Temps: Quel sens donnez-vous à l’attribution du Prix Nobel de la Paix à Barack Obama pour ses efforts diplomatiques?
Pascal Boniface: C’est un signe d’encouragement manifeste pour l’avenir et non pour les services déjà rendus. C’est une manière de récompenser la manière radicale dont le nouveau président américain a rompu avec les années Bush. Par sa décision, le Comité du Prix Nobel nous dit que les Etats-Unis ne font plus peur et qu’ils ne vont pas lancer une guerre à la légère. C’est une sorte d’anti-Prix Nobel par rapport à George W. Bush. Après huit ans de bushisme, le simple fait d’être à la Maison-Blanche représente déjà une contribution à la paix. On accepte le fait que les Etats-Unis occupent une place spéciale dans le monde et qu’il vaut mieux soutenir l’approche Obama que celle de Bush.
– Au plan international, quelles conséquences aura ce Prix Nobel?
– Il ne conférera pas de pouvoir supplémentaire et les rapports de force du système international seront toujours là. Mais il pourrait avoir un impact psychologique et symbolique important. Barack Obama bénéficiera d’une aura supplémentaire.
– Aux Etats-Unis, ses opposants critiquent son côté trop conciliant, trop «soft power». Le Prix Nobel risque de renforcer ce profil…
– En effet, mais c’est précisément pour cela qu’on donne à Barack Obama le Prix Nobel de la Paix. L’actuel président américain est en difficulté avec sa réforme du système de santé, avec la guerre en Afghanistan, avec le Proche-Orient. Il vient de perdre la bataille des Jeux olympiques pour Chicago. C’est le moment de lui donner une nouvelle légitimité, une nouvelle force, car sa lune de miel arrive à son terme. En deux mots, on dit aux Américains qu’avec Barack Obama, leur pays bénéficie d’une image dans le monde sensiblement meilleure que lors des huit dernières années. Continuez à le soutenir malgré les difficultés. D’autant qu’il redonne au multilatéralisme l’importance qu’il mérite.
– Yasser Arafat et Yitzhak Rabin ont eux aussi reçu le Nobel. Le processus d’Oslo n’en a pas moins été un échec.
– On ne peut pas comparer les deux événements. Arafat et Rabin ont été récompensés pour l’accord historique qu’ils ont passé. Barack Obama est récompensé pour ce qu’il va peut-être faire à l’avenir en termes de contribution à la paix. Mais il faut le reconnaître, c’est la première fois qu’on attribue le Nobel de la Paix à un président en exercice aussi rapidement. C’est un pari risqué sur l’avenir. Mais soyons très clairs: même s’il y avait d’autres personnes qui auraient pu être les lauréats du Nobel, le choix du Comité du Nobel n’est en rien scandaleux. Ce n’est pas une erreur de casting.
*Co-auteur, avec Hubert Védrine, de l’Atlas des guerres et des conflits dans le monde, Editions Armand Colin