Afrique
En 1960, 17 colonies africaines deviennent indépendantes. C’est le temps des changements, des nationalismes, des craintes et de l’espoir. Aujourd’hui, ces nouveaux Etats ont un demi-siècle, ils se sont transformés mais certaines questions, présentes en 1960, restent actuelles, plus ou moins pertinentes, provocatrices et souvent âprement débattues. Autant de pistes pour comprendre le continent
Des économies qui stagnent?
On décrit souvent l’Afrique comme piégée dans la pauvreté. Pourtant, depuis le début du millénaire, le vent de la relance souffle sur le continent. 4,6% de croissance du PIB depuis l’an 2000, plus de 6 en 2008. La crise financière n’a que peu freiné ce mouvement. La croissance se poursuivra jusqu’en 2011, annonce le FMI.
Les investissements directs étrangers ont plus que quadruplé en dix ans. Les indices boursiers, les marchés non cotés, les capitaux privés explosent. Impressionnant. Mais les experts, comme l’économiste Philippe Hugon, restent prudents: «Après cinquante ans d’indépendance, l’Afrique demeure largement dépendante de l’aide et reste spécialisée dans les produits primaires.»
En 1960, les économies continentales sont toutes tournées vers l’extérieur. Elles exportent leurs matières premières à l’état brut. Les défis s’appellent industrie, diversification et commerce régional, le continent doit absolument réduire sa dépendance à l’extérieur, au cours, volatil, des matières premières. Il ne le fait pas, subit de plein fouet le choc pétrolier des années 1970 et demande l’aide d’institutions financières internationales qui lui imposent en contrepartie des ajustements néolibéraux. Double échec.
«On débat âprement aujourd’hui pour savoir si la perpétuation du malaise […] fut le résultat de la maladie (conditions de marché difficiles, mauvaises politiques gouvernementales) ou du remède (imposition de l’austérité, diminution des salaires)», écrit Frederick Cooper, historien. En 1990, le revenu par tête d’habitant au sud du Sahara est inférieur, en dollars constants, à ce qu’il avait été en 1960.
Depuis, le contexte mondial a changé. Les Etats-Unis et la Chine, nouveaux partenaires, et le pétrole expliquent l’apparent regain de forme économique. Mais les défis n’ont pas changé comme l’atteste le rapport 2009 de la Cnuced sur le développement du continent. Il insiste sur le renforcement de l’intégration économique régionale pour diversifier et réduire la dépendance à l’extérieur, au cours, volatil, des matières premières.
Néocolonialisme?
Dans Les damnés de la terre, paru en 1961, le Martiniquais Frantz Fanon dénonce une «indépendance factice». Kwame Nkrumah, chantre du panafricanisme, le rejoint dans son discours en publiant en 1965 Le néo-colonialisme: dernier stade de l’impérialisme. En lieu et place d’une présence militaire et politique, les métropoles utilisent des tactiques commerciales, économiques, financières et culturelles pour mieux dominer.
Les anciennes colonies, fragiles, assistées, sont des proies faciles. La Société générale de Belgique contrôlera longtemps le gros de l’économie congolaise, ses mines, ses ressources. La France, gendarme africain, maintient son pré carré. Certains accusent la Banque mondiale et le FMI de démanteler les économies africaines par leurs plans d’ajustement rigides. Mêmes les Chinois sont vus comme des «nouveaux colons».
Pourtant, depuis que la Guerre froide n’est plus, les partenaires se diversifient et perdent de leur influence. Les nouveaux Etats sont dorénavant capables de faire jouer la concurrence. Mais les 17 restent fragiles, dépendants de l’aide… et toujours riches en terres fertiles, si prisées. Les multinationales se ruent vers l’or vert africain, immensément. On pourrait bien assister au plus grand changement de propriété depuis l’époque coloniale, écrit John Vidal, du Guardian. Et d’aucuns de conclure: «La nouvelle colonisation du XXIe siècle. Les Saoudiens récoltent le riz, les Oromos meurent de faim.»
L’aide ou le commerce?
«Difficile de trouver un lien entre croissance et aide», tonne William Easterly, qui prône que le nouveau «fardeau de l’homme blanc» cesse. «Au contraire, il faut qu’elle augmente», rétorque Jeffrey Sach, un autre économiste américain.
Le débat de l’aide marque lui aussi son demi-siècle d’existence, sans qu’un consensus se dessine. Chaque année, les militants de l’aide la présentent comme un moyen de dynamiser les économies, tandis que leurs adversaires défendent le contraire. Le sud du Sahara est une des régions qui a le plus bénéficié: des centaines de milliards de dollars depuis les indépendances. Surtout dans les années 1980. La crise allait pourtant durer, le continent demeure de loin le plus pauvre et l’aide continue d’augmenter.
Selon Jeffrey Sachs, la vraie question est: comment la rendre plus efficace? Tout dépendrait des gouvernances, du contexte, des conditions. Le Botswana ou le Ghana des années 1980 se sont développés en grande partie grâce aux assistances internationales. En même temps, le Zaïre de Mobutu, inondé de dollars, en a à peine bénéficié, contrairement au dictateur. L’aide, qu’un facteur parmi d’autres. Certains rajoutent: un facteur politique et intéressé. La France dans son pré carré? 40 ans de dons, autant de contrôle, disent-ils. Aujourd’hui, Chinois et Indiens privilégient le commerce et relancent les économies africaines. Et d’aucuns de reprendre un autre refrain: «trade rather than aid.» Seul le commerce peut encourager la production de richesses en Afrique, et donc le développement. Valentine Rugwabiza, directrice générale adjointe de l’OMC, a peut-être la réponse: il faut aider le commerce.
La France et l’Afrique: quelles relations?
Sur les 17 pays, 14 sont des anciennes colonies françaises. La France a toujours adoré le continent noir: sa volonté d’être «plus grande en Afrique» date de son arrivée au Sénégal en 1659. Trois siècles et demi plus tard, aujourd’hui, il existe de nombreux mots pour décrire cette relation spéciale: pré carré, Etat ou village franco-africain, chasse gardée, gendarme, coopération, Françafrique.
Ce dernier terme apparaît pour la première fois dans la bouche du président ivoirien Félix Houphouët-Boigny qui décrivait la grandeur des relations franco-africaines. Le mot perd sa valeur positive quand, en 1998, paraît La Françafrique, le plus long scandale de la République de François-Xavier Verschave. Les affaires de l’ombre sont mises en lumière. La France, des années durant, a maintenu ses amis au pouvoir, même les pires dictateurs. Des accords militaires lui ont permis, entre réseaux et lobbies, de conserver un poids prépondérant et à plusieurs entreprises nationales d’assurer une domination économique néocolonialiste en Afrique francophone.
La mort de certains «grands amis», l’arrivée de nouveaux acteurs (Etats-Unis et Chine en tête), la rupture annoncée par Sarkozy aurait effiloché ces réseaux. Qui n’existent plus, selon Antoine Glaser, rédacteur en chef de La Lettre du Continent . L’Etat franco-africain est un «état fantôme», confirme Stephen Smith. Mais tout le monde n’est pas si catégorique. La majorité de l’aide au développement française va au sud du Sahara, où la France reste un acteur essentiel.
Pendant ce temps, rappelle Gilles Labarthe, de l’agence Datas, Serge Dassault, Bernard Arnault, Vincent Bolloré sont très présents en Afrique. Les entrepreneurs milliardaires sont réputés très proches de Nicolas Sarkozy. Les Français n’ont plus bonne presse auprès des populations africaines. Les relations entre l’ancienne métropole et le continent, entre non-dits et ambiguïtés incessantes, y sont sans doute pour quelque chose.
Gagnant-gagnant vec les Chinois?
«Complete package» (tout compris). Voilà comment le spécialiste de politique africaine Princeton Lyman décrit la politique africaine de la Chine. Visites officielles, bourses, projets, coopération militaire, ventes d’armes, investissements dans tous les secteurs, commerce dans tous les domaines (même ceux qui périclitent), cadeaux et, surtout, pas de conditions (à part la non-reconnaissance de Taïwan).
C’est que la soif des Chinois pour les matières premières et le pétrole africains est sans limite: 1,3 milliard d’habitants, un pays en pleine croissance et peu de ressources. «Pour les Chinois, l’Afrique est une terre de promesse», note Serge Michel, coauteur de La Chinafrique. Pour les Africains, le nouveau partenaire est idyllique. Il traite d’égal à égal, travaille d’arrache-pied, construit à travers le continent, son appétit d’ogre permet de diversifier les partenaires, de jouer la concurrence et de relancer l’économie. Philippe Hugon clarifie: «On estime qu’une croissance à deux chiffres de la Chine assurerait une croissance africaine de l’ordre de 6%.»
Ou presque idyllique. Certains redoutent que la nouvelle demande ne fasse que perpétuer une économie de rente, avec ses dérives, qui évoque les années 1960 et 1970. Les Chinois considèrent aussi le continent comme un immense marché et leurs produits défient toute concurrence, même africaine. Des émeutes à leur encontre fomentées par des commerçants locaux ont déjà éclaté. Et l’élan démocratique qui soufflait sur le continent noir au début des années 1990 en a pris un coup. Les pays occidentaux ne font plus peur au Zimbabwe de Mugabe ou au Soudan d’Al-Bachir. Les deux plus grands partenaires de la Chine en Afrique regardent vers l’Est où où le dialogue n’est pas soumis à des conditions sur la démocratie ou les droits de l’homme.
Les dirigeants africains, des «dinosaures» corrompus?
«Pas de bonne gouvernance cette année», titre La Nouvelle Tribune au Bénin. La Fondation Mo Ibrahim, qui récompense chaque année depuis 2007 les anciens chefs d’Etat les plus honnêtes, n’a trouvé personne. Et d’aucuns de se demander: se fatiguerait-on, en Afrique, de l’expérience démocratique? Dans les années 1960, clientélisme, corruption et abus de pouvoir inquiétaient déjà les observateurs. Aujourd’hui, les classements de Transparency International montrent que les 17 oscillent entre la 79e place (Burkina Faso) et la dernière (Somalie).
Pour bien comprendre cette histoire, il faut remonter vingt ans en arrière. En 1989, les partis d’opposition sont illégaux dans 39 pays d’Afrique. Jean-François Bayart, politologue français, dénonce la «politique du ventre»: on est au pouvoir pour se servir et pour s’accrocher. En 30 ans, sur 153 chefs exécutifs, seulement 10 ont quitté le pouvoir de leur gré. Mais le vent tourne. La fin de la Guerre froide, la mort de plusieurs grands dictateurs, des structures étatiques affaiblies par des programmes néolibéraux et par des pressions internes, tout semble annoncer une vague démocratique. Les constitutions changent, des élections sont organisées à travers le continent. Les observateurs se réjouissent: les changements sont très rapides, l’ambiance à la fête.
Mais les forces autoritaires ne disparaissent pas, élection ne signifie pas démocratie. Les transitions, se dit-on, prendront du temps, l’Afrique doit se préparer. Aujourd’hui, on attend encore. Le contexte a changé. La Chine, le désormais plus grand partenaire économique du continent, ferme les yeux sur les «problèmes internes». En attendant le vote des bêtes sauvages, le roman de l’écrivain ivoirien Ahmadou Kourouma qui dénonçait en 1998 les abus de pouvoir des «dinosaures» africains, reste d’actualité. Blaise Compaoré, au Burkina, est au pouvoir depuis 23 ans. Idriss Déby, Tchad, 19. Paul Biya, Cameroun, 28. La famille Eyadema, au Togo, depuis 43 ans. Les Bongo, au Gabon, aussi.
Partie intégrante de l’histoire ou en marge?
Le 26 juillet 2007, Nicolas Sarkozy fait une allocution à l’Université Cheikh Anta Diop, au Sénégal. Au lieu d’excuser les crimes coloniaux de la France – ce que tout le monde attendait –, il avance que «l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire.»
Le discours de Dakar, depuis, est sur toutes les lèvres. Deux livres, réunissant les contributions d’une quarantaine d’auteurs, ont même été publiés l’année suivante pour répondre au président arrogant. «Ce sont les conséquences du discours du colonisateur. Il a toujours dit que le Noir n’avait pas d’histoire», rappelle Doudou Diène, ancien rapporteur spécial de l’ONU sur le racisme. «Une question d’honneur.»
C’est sur deux points que porte le cœur du débat, que l’histoire est utilisée, politisée: le continent noir est-il le berceau de l’humanité? Si oui, comme il semble que ce soit le cas, le pied de nez aux anciens colonisateurs en soulagerait beaucoup.
Deuxièmement, à quel point les civilisations nègres ont-elles influencé la glorieuse ancienne Egypte? Les pharaons noirs de la civilisation de Koush et leur écriture méroïtique sont à l’origine des civilisations égyptiennes auxquelles l’Europe doit tant, écrit Cheikh Anta Diop. L’historien sénégalais, adulé en Afrique, est critiqué plus au nord. Il exagère la grandeur de l’histoire africaine, estime le professeur Bernard Lugan avant de préciser: et il n’est pas prouvé que l’Afrique soit le berceau de l’humanité. Les dits afrocentristes ont longtemps rétorqué: raciste! Les débats sont stériles, les blessures profondes. C’est au moment où elles semblaient se cicatriser que Nicolas Sarkozy a prononcé son discours.
L’image de l’Afrique en Europe, usurpée?
C’est à coups de livres qu’on se bat sur cette question. En 1962, René Dumont écrit L’Afrique noire est mal partie. En 2003, Stephen Smith publie Négrologie: pourquoi l’Afrique meurt, qui énumère, lui aussi, les maux du continent: «Mal partie et jamais arrivée», s’amuse-t-il. Le continent serait dévasté par des guerres d’écorcheurs, en retard sur tous les plans, vivoterait entre crise, corruption, tribalisme et anarchie. Son discours, pas nouveau, est même tellement connu qu’il y a un mot pour le décrire: afropessimisme.
Deux ans plus tard, trois auteurs se réunissent pour répondre à Stephen Smith. Négrophobie dénonce un discours racialiste, simplificateur, ressuscitant les pires clichés coloniaux mais il fait couler beaucoup moins d’encre. Les Africains ont beau crier leurs blessures, le «continent du silence» n’est guère écouté. Et les médias, qui vivent de mauvaises nouvelles, font des enfers zimbabwéen, congolais, somalien et soudanais leur vedette. Les 49 autres pays sont peu traités. L’image du continent noir en Europe serait-elle usurpée?
Les avis africains sont partagés. Totalement, répondait Joseph Ki-Zerbo, historien burkinabé. Personne ne connaît les histoires, les valeurs, les richesses, les diversités africaines. Pour Aminata Traoré, l’imaginaire des Africains est même violé tant le discours dominant les amène à se penser pauvres et à se comporter comme tels. L’ancienne ministre malienne de la culture penserait-elle à Axelle Kabou? La sociologue camerounaise a écrit en 1991 Et si l’Afrique refusait le développement? Les Africains sont traités de népotistes, tribaux, qui préfèrent se battre et voler plutôt que de développer. Comme quoi le courant afropessimiste existe aussi au sud du Sahara. Anne-Cécile Robert, journaliste du Monde diplomatique, réagit en 2004 dans L’Afrique au secours de l’Occident: et si le prétendu retard africain n’était pas l’expression d’une formidable résistance culturelle à un modèle économique dévastateur?
Frontières coloniales ou ethniques?
Les frontières africaines actuelles furent tracées à la règle lors la Conférence de Berlin, en 1885. Pour beaucoup, elles sont la cause de nombreux conflits ou du sous-développement. Certains, comme Bernard Lugan, proposent de les redéfinir sur des bases ethniques. La guerre du Biafra, au Nigeria, les conflits entre le nord et le sud du Soudan, au Rwanda ont tous un caractère ethnique, rappelle-t-il.
Ou historique, suggèrent d’autres. Avant la colonisation, l’Afrique était faite d’empires (Songhai, Kanem, Monomotapa, Swahili, avec des capitales comme Tombouctou ou Mombasa). D’autres frontières auraient-elles permis au continent de s’inscrire dans la continuité de son histoire? En 1963, l’Organisation de l’unité africaine décide de préserver les acquis coloniaux. Certains panafricanistes regrettent, parlent d’égoïsme, d’artifice ou de manque d’engagement. Les quelques tentatives de fédération comme la République du Soudan en 1960 ou dans la Corne de l’Afrique (au sein de la Somalie, entre l’Ethiopie et l’Erythrée) ont échoué.
Aujourd’hui, les frontières de 1885 restent quasiment inchangées mais des alliances régionales économiques et politiques se sont formées à travers le continent et connaissent quelques succès. En même temps, Tombouctou se meurt au milieu de la désertification malienne, symbole des temps révolus. La question de l’intangibilité des frontières, qui a longtemps secoué le continent, semble dépassée.
Quel rôle pour les diasporas?
Quelque 40 millions d’Africains ont émigré depuis les indépendances, très souvent en direction de l’ancienne métropole. La France se métisse, l’Angleterre et le reste du monde aussi. Du côté africain, beaucoup déplorent la fuite des cerveaux. D’autres se demandent comment mieux mettre à profit cette source de richesse. Car les flux financiers qui retournent vers le continent sont immenses: «Les diasporas africaines en Europe et en Amérique disposent de compétences et de capacités de financement; leurs actifs sont estimés entre 700 milliards et 800 milliards de dollars, soit plus que le PIB de l’Afrique», écrit Philippe Hugon.
Les transferts financiers vers le continent noir ont augmenté de 55% depuis l’an 2000, rappelle Le Monde diplomatique. Les dirigeants de Western Union contrôleraient 20% de ces transferts et leurs commissions sont importantes. Le continent pourrait s’en inspirer pour davantage bénéficier de ses réseaux.
C’est aussi ce qu’espèrent les institutions financières internationales pour qui ces fonds sont plus sûrs et plus stables que les investissements du secteur privé et que l’aide publique au développement. Faut-il élaborer des politiques visant à associer les concitoyens vivant à l’étranger? Faut-il s’inquiéter de cette économie de charité qui ne développera pas? La collectivité publique pourrait-elle davantage bénéficier de ces transferts? Quelques pistes sont proposées. Certains nouveaux sites permettent à la diaspora de commander des courses (ou autres) online et de les faire délivrer à leurs proches, au pays. C’est à peu près tout pour l’instant.
Sous-peuplé? Surpeuplé?
«Trois ou quatre cents millions de Noirs et moi et moi et moi», composait Jacques Dutronc en 1966. Aujourd’hui, les chiffres ont changé.Les villes ont vu leur population sextupler. La barre fatidique du milliard a été passée en 2009. En 2050, elle aura doublé. Le Nigeria, pays le plus peuplé du continent, exemplifie la poussée démographique: 35 millions en 1960, 158,2 millions 50 ans plus tard. Plus du quadruple. Mais au nord, le Niger, plus vaste, dont les femmes détiennent pourtant le record mondial de fertilité (7,4 bébés en moyenne chacune), paraît vide: 15,8 millions d’âmes, seulement.
Alors l’Afrique, sous-peuplée ou surpeuplée? Angelo Barampama, professeur de géographie africaine à l’Université de Genève, remet les choses dans leur contexte: vers 1650, les Africains représentaient environ 20% de la population mondiale. Les traites négrières et la colonisation ont perturbé leur croissance démographique alors qu’en Europe et aux Etats-Unis les populations s’accroissaient. Depuis les indépendances, les Africains corrigent le tir alors qu’ailleurs les taux de natalité baissent. Cette progression, continue le professeur, est donc normale: la part de la population du continent noir dans le monde, 9% en 1960, se rétablira autour des 20% vers 2050. Et Angelo Barampama de poursuivre: «Un milliard de personnes sur 30 millions de km2, ce n’est pas forcément beaucoup.»