A Ciudad Juárez, Diane chasseresse bute les chauffeurs d’autobus
revue de presse
Une justicière de femmes violées est activement recherchée à la frontière nord du Mexique. Elle est soupçonnée de deux assassinats de conducteurs des transports publics. Une corporation qu’on a souvent accusée, ces vingt dernières années, d’agressions sexuelles perpétrées dans la «capitale mondiale du meurtre», où le trafic d’êtres humains est monnaie courante
Venganza en Ciudad Juárez! Les autorités mexicaines sont à la recherche d’une justicière de femmes violées dans cette ville située à la frontière avec les Etats-Unis – qui a revendiqué les assassinats de deux conducteurs d’autocar, a annoncé le Ministère public de l’Etat de Chihuahua. Les deux conducteurs ont été abattus d’une balle dans la tête la semaine dernière au cœur de cette cité voisine d’El Paso, au Texas.
Cette dernière est «connue pour avoir été le théâtre d’une vague sans précédent de meurtres de femmes, accompagnés de violences sexuelles, dans les années 1990 et au début des années 2000», lit-on dans 20 minutes France. Des chiffres qui affolent les statistiques, selon CNN. D’ailleurs, plusieurs chauffeurs ont été arrêtés en relation avec ces forfaits, lit-on encore sur le site de la BBC.
Deux cent mille ouvrières sur place
Dans les deux cas, des témoins ont identifié le tueur comme étant une femme. Et samedi dernier, plusieurs organes de presse locaux ont reçu un message anonyme revendiquant les assassinats. Il était signé par la bien-nommée «Diana, chasseuse de chauffeurs». Car ces conducteurs ont souvent été accusés d’agressions sexuelles, notamment de femmes faisant des horaires de nuit dans les maquiladoras, ou maquilas, ces manufactures américaines installées le long de la frontière, l’équivalent latino-américain des zones de traitement pour l’exportation: 200 000 ouvrières y travaillent jour et nuit, par tournus, «depuis l’entrée en vigueur, en 1994, de l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena), conclu entre les Etats-Unis, le Canada et le Mexique», détaille La Nación chilienne.
Les autorités ont dressé un portrait-robot de la vengeresse suspecte qui, selon des témoins, serait une brune d’une cinquantaine d’années, mesurant environ 1,65 m et utilisant une perruque blonde. Des policiers en civil ont également été déployés sur les lignes d’autocar concernées et 12 cas de viols perpétrés par des conducteurs d’autobus sont actuellement étudiés par la police pour tenter d’établir si la suspecte fait partie des victimes. En tout cas, explique Euronews, les enquêteurs ont une certitude. «C’est une femme, il y a des détails dans le dossier de l’enquête et il existe des similitudes entre les crimes, les horaires, la manière dont les crimes ont été commis et l’arme utilisée», dit un porte-parole du procureur.
«Vous êtes vraiment des salauds»
«C’est une histoire digne d’un rape and revenge (viol et vengeance), un sous-genre cinématographique florissant dans les années 60 et 70», commente Paris Match. «Le mode opératoire de Diana est aussi simple qu’efficace: […] elle se dirige droit vers sa proie, sort une arme et abat sa victime d’une balle dans la tête devant des témoins stupéfaits.» Le Guardian ajoute que l’un d’entre eux, cité par le Diario de Juárez, prétend avoir entendu la tueuse dire au second chauffeur, juste avant de le descendre: «Vous les mecs, vous êtes vraiment des salauds.»
Selon l’Agence France-Presse, il faut savoir que cette situation est la conséquence «de la violence liée au trafic de drogue» dans cette région qui a «valu à la ville le titre peu envié de capitale mondiale du meurtre». Mais depuis peu, «dans la foulée du déploiement de l’armée dans la région, Ciudad Juárez a vu son taux d’homicide diminuer après un pic de plus de 3000 meurtres en 2010». Toutefois, «l’impunité, la violence et l’inefficacité de la justice sont telles au Mexique que les citoyens succombent de plus en plus souvent à la tentation de faire justice eux-mêmes», indique Radio France internationale.
De nouveaux assassinats à venir
«Mes camarades et moi avons souffert en silence, mais nous ne pouvons plus nous taire, nous avons été victimes des violences sexuelles de conducteurs qui assuraient les liaisons nocturnes des maquilas ici à Juárez, mais même si les gens connaissent notre souffrance, personne ne nous défend ni ne fait rien pour nous protéger, explique cette lettre. Ils croient que nous sommes faibles parce que nous sommes des femmes […] Je suis un instrument de vengeance», dit le texte envoyé aux médias, prévenant aussi de nouveaux assassinats à venir.
L’agence Associated Press, reprise notamment par le Miami Herald, a interrogé la féministe Lucha Castro, une brillante avocate mexicaine mais très dénigrée par les autorités mexicaines qu’elle accuse d’incurie, si l’on en croit le site Front Line Defenders. La coordinatrice du Centro de Derechos Humanos de las Mujeres (CEDEHM Mexico) prétend que la tueuse «a peut-être souffert, elle ou une de ses proches, des abus perpétrés par ces gars. Il est avéré qu’il y a eu des cas d’abus sexuels sur les lignes d’autobus, mais ce n’est pas pire que les femmes qui disparaissent au centre-ville, enlevées par des réseaux de trafic d’êtres humains.» Ajoutant que «dans tous les cas non résolus des années 1990, le plus tragique est que le public ne connaîtra sans doute jamais la vérité».
Pas plus tard que cet été à Juárez, rappelle le New York Magazine, «des femmes ont manifesté pour exiger que la police donne des informations sur ses recherches de femmes disparues». Au Mexique, où il y a plus de 26 000 personnes dont on a perdu toute trace depuis 2006.