«Nous n’abandonnons pas la politique», avait annoncé Silvio Berlusconi, jeudi soir, dans un long message télévisé, trois heures à peine après avoir appris que sa condamnation à un an de détention pour fraude fiscale avait été confirmée par la Cour de cassation – il ne devrait toutefois pas aller en prison en raison de son âge. Ce choc avait été quelque peu amorti grâce à une bonne nouvelle. L’autre condamnation qui le préoccupait particulièrement: l’interdiction d’exercer un mandat public pendant cinq ans, avait été renvoyée devant une cour d’appel. Pour un vice de forme: le code pénal italien ne prévoit pas plus de trois ans d’interdiction pour le délit reproché à l’ancien président du Conseil.

Un réel soulagement pour lui et pour ses proches du Peuple de la liberté (PdL). Les toutes premières réactions, jeudi soir, dans la petite foule des berlusconiens qui s’étaient réunis autour de son palais Grazioli, dans le centre de Rome, étaient d’ailleurs mitigées. Oui, le Cavaliere avait été condamné, injustement bien sûr, mais tout n’était pas perdu, il pouvait rester à son poste et poursuivre son mandat politique, se consolaient-ils.

Au «plus mauvais moment»

C’est bien plus tard que divers commentateurs, un peu pris au dépourvu dans un premier temps, se sont rendu compte que cette condamnation à la détention d’un an est, en réalité, une condamnation bien plus lourde: quatre ans, par le fait d’une loi d’amnistie votée en 2006 pour décongestionner les prisons surpeuplées. Et, dans un tel cas, un décret-loi du gouvernement Monti de 2012 prévoit l’interdiction de siéger au parlement et d’exercer une charge publique pendant cinq ans! Un désastre pour Berlusconi, qui perdra aussi son passeport.

Il est vrai que ses avocats ont annoncé qu’ils poursuivront leur combat pour prouver l’innocence de leur client devant des tribunaux européens. Mais en attendant, que se passera-t-il au lendemain de ce verdict qui, comme l’avait écrit au début de la semaine un éditorialiste du quotidien La Stampa, «ne pouvait pas tomber à un plus mauvais moment»? Un verdict plutôt inattendu, salué par les uns et sifflé par les autres, mais que l’on peut certainement qualifier d’historique.

En ce day after, on a nettement l’impression à Rome que chacun est prêt à faire des efforts pour sauvegarder un bien précieux dans ce pays qui traverse une crise économique sans précédent, et où des signes de reprises commencent à être visibles: le gouvernement présidé par Enrico Letta. Cette drôle de coalition qui réunit des ennemis jurés, le Parti démocrate (PD, centre gauche) et le PdL de Silvio Berlusconi, est née par la volonté du président de la République Giorgio Napolitano, en avril dernier, pour éviter un retour aux urnes qui ne résoudra rien tant que la loi électorale en vigueur, la fameuse porcellum, ne sera pas modifiée.

La situation n’a guère changé et depuis des semaines, au PdL, chacun s’évertue, Silvio Berlusconi encore plus que quiconque, à souligner que ses problèmes judiciaires n’ont rien à voir avec son appui au gouvernement Letta. Vendredi matin, à l’issue du Conseil des ministres, le chef du gouvernement a déclaré qu’il espérait que «l’intérêt général prévaudra» et, qu’en ce moment «le pays a absolument besoin d’être gouverné».

Le chef du groupe du PdL au Sénat, Renato Schifani, qui il y a quelques semaines avait envisagé la possibilité de quitter le gouvernement si Silvio Berlusconi ne pouvait plus siéger au Sénat, tient maintenant un langage très raisonnable, soulignant qu’il faut «distinguer les problèmes judiciaires de Berlusconi et le maintien du gouvernement Letta». Tout en précisant qu’il n’excluait pas que ce soit le PD qui fasse tomber le gouvernement.

Besoin de «cohésion»

Effectivement, au sein du PD, divers courants affrontent différemment cette nouvelle situation d’un gouvernement avec un parti dont le leader est un repris de justice! Les plus défavorables, depuis le début, à cette coalition de plus en plus étrange, comme le maire de Florence Matteo Renzi, gardent le silence. Respectant le mot d’ordre du président Napolitano: «Notre pays a besoin de sérénité et de cohésion.»

U Les parlementaires du Peuple de la liberté ont remis hier soir à leurs chefs de groupes leurs démissions, en signe de protestation contre la condamnation définitive du Cavaliere. (AFP)

«Il faut distinguer les problèmes judiciaires de Berlusconi et le maintien du gouvernement Letta»