Barly Baruti

«J’ai commencé à dessiner car j’ai toujours baigné dedans. Je viens d’une famille d’artistes.» Barly Baruti est aussi musicien. Il a grandi à Kisangani, en République Démocratique du Congo avant de s’installer dans la capitale Kinshasa puis en Belgique où il travaille pour les Studios Hergé. Sa série BD la plus connue s’appelle Mandrill, sept titres aux éditions Glénat, qui racontent des intrigues policières qui se passent dans les années 1950 en Europe. «Les Africains ne sont pas obligés de parler d’Afrique», répond le dessinateur à ceux qui s’en étonnent. Mais avec son projet Coco au Congo, «la réponse d’un Africain à Hergé», il parlera de son continent.

Méliane Kouakou Yao

«J’ai été engagée par les Nouvelles Editions Ivoiriennes pour lancer la collection Adoras.» Adoras? Une collection de livres sentimentaux, lancée en 1998, qui «cartonne» en Côte d’Ivoire. «On s’est rendu compte que les Ivoiriens adoraient les feuilletons brésiliens. Ils sont tous devant la télévision à 19h30. Il ne faut pas les déranger.» Adoras aborde les mêmes thèmes (jalousie, amour, haine), mais par écrit. «On inculque le goût de la lecture.» Et ça marche: «Les premiers romans étaient vendus à 12’000 exemplaires. Aujourd’hui, malgré la crise, on reste à 6000.» Chaque livre passe au moins entre 15 mains. Tout le monde lit, les affaires tournent. «La seule censure que nous connaissons est celle de l’érotisme. Je biffe beaucoup de passages pour ne pas choquer.» Les derniers titres? T’aimer malgré tout, C’est toi que j’aime, Pour l’amour de Daly.

Joëlle Esso

Comédienne, peintre, musicienne, danseuse, la Camerounaise a tout fait. Même collaborer avec Céline Dion. Sa dernière création? Le petit Joss . «J’ai dessiné la BD qui me manquait dans mon enfance.» Joëlle Esso en profite pour re-raconter son continent. Car celle qu’elle connaît ne correspond pas aux clichés. «Marcher une heure pour aller au puits, c’est exotique pour moi. Je viens de la région de Duala. La première fois que j’ai vu une girafe et un éléphant, c’était au zoo.» Son créneau? «La vie telle qu’elle est.» Quand on lui demande si elle fait de la BD africaine, elle s’insurge: «Non, universelle! C’est désespérant de toujours être mis dans une case ‘africaine’. Je suis sûr que mon message peut aussi toucher un enfant thaïlandais.»

Lassane Zohoré

«En Côte d’Ivoire, les problèmes se succèdent, mieux vaut en rire.» C’est ainsi que le caricaturiste ivoirien fonde Gbich , «un canard atypique» en janvier 1999. Editeurs, mécènes, hommes d’affaires, au début, personne n’y croyait. Le premier numéro est tiré à 15’000 exemplaires. «On en est à 37’500 aujourd’hui.» Comment expliquer le succès? «Plus il y a de problème, plus on rit.» Et de préciser: «Avec l’humour, on peut faire passer beaucoup de messages.» Même la présidence lit Gbich et le pays n’est pas réputé pour sa liberté de presse. «Je reçois de temps à autres des coups de fil menaçants. Ils me disent: ‘On sait où tu habites, fais attention.’ J’ai l’habitude maintenant.» Autre source de succès, l’hebdomadaire coûte 300 francs CFA, «deux baguettes de pain». Et pourquoi ce nom, Gbich? «On ne sait pas trop pourquoi, ce nom aussi con nous pliait en quatre.»

Venance Konan

L’Ivoirien, fin chroniqueur, faire rire tout le monde (plusieurs fois lauréat du prix littéraire Ebony), sauf les autorités nationales. Après la parution de Nègreries («ce dont le pays doit se débarasser s’il entend avancer»), recueil de 147 chroniques aussi acerbes qu’ironiques, il est convoqué par le gouvernement. «Je n’y suis pas allé. J’ai préféré fuir au Sénégal.» Venance Konan n’oublie pas: «Jean Hélène, journaliste français, s’est fait assassiné en Côte d’Ivoire.» Il poursuit: «Le boulanger (Laurent Gbagbo est ainsi surnommé car il roule tout le monde dans la farine) dit pourtant qu’il est pour la liberté de la presse.» Venance Konan écrit depuis longtemps Négrine, une chronique dans le journal satirique Gbich . Ses yeux pétillent: «Les Ivoiriens n’ont plus rien. Heureusement, il nous reste l’humour.» Par dépit, car l’homme, en réalité, est en colère.

Plus sur les surnoms de chefs d’Etat africains.

Kossi Efoui

Boucles d’oreilles, pipe, larges bracelets. Kossi Efoui sait s’habiller. Comme il sait dénoncer: «Aucun dictateur ne se proclame comme tel. Ils se cachent tous derrière de beaux mots. Mon écriture est un champ de bataille, celui d’autres mots pour parler de la même chose.» Le message de Kossi Efoui est universel. L’écrivain-philosophe aime citer des combattants des anciens pays de l’Est, sous le joug communiste, et d’ailleurs. «Leur plume aussi déconstruisait, faisait et défaisait le monde.» Mais Kossi Efoui, particulièrement dans son dernier roman Solo d’un revenant (2008), pense au Togo, qu’il a fui il y a 20 ans. Nostalgique? «La nostalgie est la seule avec laquelle on se lie d’amitié quand on est vagabond.» L’homme continue de dénoncer, car au pays, «c’est pire qu’avant.»

Elizabeth Tchoungui

36 ans, élancée, intelligente, cheveux brillants. Pour beaucoup, la journaliste incarne la réussite africaine outremer. La fille d’un ancien Premier ministre du Cameroun et d’une professeur de math française naît aux Etats-Unis mais grandit au pays de son père avant de partir étudier dans celui de sa mère. Elle embrasse une carrière dans la télévision (qui la voit tour à tour sur Canal J, France 5, TV5, France 24, Voyage) et littéraire (elle écrit son troisième livre). Son modèle? Nelson Mandela. «D’ailleurs, Nelson est le troisième prénom de mon fils.»

Fweley Diangitukwa

Fweley Diangitukwa adore écrire. Quand il avait sept ans, à Kangaya, son village du Bas-Congo (RDC), il suppliait sa mère analphabète de l’inscrire à l’école. Aujourd’hui, il vend six livres (dont cinq pavés) au salon du livre africain de Genève, tous écrits entre 2003 et 2010. C’est que «je n’écris pas pour moi, mais pour ceux qui n’ont pas les moyens de s’exprimer, comme ma mère.» Le chercheur, politologue, éditeur est avant tout un «transmetteur» qui s’est réfugié en Suisse en 1983. Et que transmet-il? «La thèse du complot. L’Afrique a été victime de ses richesses et des étrangers qui la pillent.» Cinquante années durant. Il ne fêtera pas le cinquantenaire. «C’est aux Français de fêter, eux ont récolté les fruits.»

Jean-Martin Tchaptchet

Le petit homme quitte son Cameroun natal à 19 ans pour aller étudier à Clermont-Ferrand et résister. «Les étudiants africains en Europe étaient à la proue des combats pour l’indépendance.» L’ancien responsable de la Section française du parti indépendantiste l’Union des populations du Cameroun milite tellement qu’il est expulsé de l’ancienne métropole en 1961. Il se retrouve au Mali, en Guinée et au Ghana où il fait treize mois de prison avant de partir pour Genève, la ville où fut assassiné en 1960 son compagnon de lutte Félix-Roland Moumié. Jean-Martin Tchaptchet travaille au Bureau International du Travail, devient rapporteur de la Commission de réconciliation pendant les négociations intercongolaises en Afrique du Sud, membre du Comité pour la paix en Côte d’Ivoire. Aujourd’hui, il écrit «pour répondre au souhait de ma femme» et pour «laisser des témoignages sur ma contribution à la lutte pour l’indépendance du Cameroun». 77 ans et toujours aussi engagé, le grand défenseur des «Etats-Unis d’Afrique».