Revendications d'autonomie
Plus sérieux, les récents communiqués du porte-parole de la guérilla née en 1994 annoncent pour la réunion du 9 août l'officialisation d'une «série de changements dans le fonctionnement interne des villages zapatistes et dans leurs relations vis-à-vis de la communauté civile internationale». Le changement de stratégie vis-à-vis de l'Etat mexicain, lui, est d'ores et déjà esquissé. «L'EZLN a décidé de suspendre tout contact avec le gouvernement mexicain et les partis politiques.» Quant aux revendications d'autonomie, tant territoriales que juridiques, sans succès depuis 1994, elles «seront appliquées dans les territoires rebelles».
Un militant français vivant depuis plusieurs années au Chiapas décode le nouveau cap: «Après neuf ans de dialogue pour obtenir légalement leur autonomie, les zapatistes n'ont finalement obtenu qu'une loi bidon. Ils y croyaient pourtant, au point d'organiser une marche triomphale sur Mexico, au printemps 2001. Cette situation d'impasse et d'échec a été très mal vécue. On a parlé de désertions de militants, de fortes tensions internes. Les dernières positions de Marcos semblent ouvrir une nouvelle voie. Visiblement, il s'agit de réaliser les projets zapatistes sans attendre le feu vert du gouvernement.»
En fait, l'autonomisation de la zone contrôlée par la guérilla mexicaine est en cours depuis plusieurs années. Relations commerciales fermées, application de règles juridiques appartenant au droit coutumier, gouvernements autonomes ne répondant pas à l'autorité de l'Etat, fermeture et contrôle du territoire, interdiction de recevoir des aides publiques. Autant de pratiques appliquées dès 1994 dans le premier Aguascalientes – village zapatiste – et progressivement généralisées à 38 municipalités insurgées.
«Nous pouvons interpréter les dernières déclarations de Marcos et ses références constantes au mouvement séparatiste basque, comme une volonté d'aller plus loin sur le chemin de l'autonomie», commente un bon connaisseur du dossier au sein du gouvernement fédéral. «Il s'agirait de créer un véritable Etat dans l'Etat mexicain. Je crains aussi que cela se traduise par un pouvoir plus fort de la direction militaire du mouvement vis-à-vis des villages.»
Le dialogue politique entre les représentants des institutions républicaines et le mouvement rebelle semble plus que jamais dans l'impasse. De nombreux intellectuels traditionnellement proches du zapatisme avaient critiqué Marcos, en 2002, pour son soutien au mouvement séparatiste basque. Ses récentes déclarations lui ont valu les critiques des sénateurs intégrant la Cocopa (Commission pour la concorde et la paix au Chiapas), y compris celle du représentant du PRD, le parti de gauche mexicain.
Quant à la situation locale, elle apparaît particulièrement tendue. «Le contexte est très proche de celui précédant le massacre d'Acteal en décembre 1997 où 45 hommes femmes et enfants furent tués par les paramilitaires avec une exceptionnelle cruauté», explique Marcos. Avant d'ajouter: «Selon la loi du talion, c'est œil pour œil et dent pour dent. Nous proposons deux yeux pour chaque œil et toute la dentition pour chaque dent. Nous appelons la société civile à exiger du gouvernement mexicain la fin de cette situation susceptible de faire à nouveau verser du sang d'innocents.»