«Il a commis le crime de se moquer du Prophète»
revue de presse
La presse arabe évoque peu l’affaire «Charlie Hebdo». Mais à picorer sur le Net, on s’aperçoit à nouveau à quel point le sujet de la profession de foi musulmane, premier pilier de l’islam, est sensible
On le sait: Charlie Hebdo, rebaptisé cette semaine «Charia-Hebdo» dans une édition largement résumée par la Tribune de Genève, a été victime d’un incendie criminel dans la nuit du 1er au 2 novembre, qui a détruit ses locaux. Six ans après la publication des caricatures de Mahomet dans le quotidien danois Jyllands-Posten, cette initiative n’a donc visiblement pas été du goût de chacun. Son site internet a aussi été piraté, comme en témoigne encore ce jeudi matin le message subliminal suivant qui apparaît lorsqu’on s’y connecte: «It works!» («ça fonctionne!»). Mais comment interpréter cette formule lapidaire qui sent le virus à plein nez? Quoi qu’il en soit, l’hebdomadaire satirique, qui voulait ouvrir cette semaine ses colonnes à «Mahomet, rédacteur en chef», avait reçu des menaces pour cette «couverture indigne».
«Spontanément, des lecteurs, voisins, confrères, militants, affluent pour témoigner de leur soutien, raconte Rue89. Un homme d’origine tunisienne fait le vœu qu’il y ait une «manifestation» pour dénoncer cette agression, prévient que ses contacts à Tunis sont déjà au courant et veut que «cette image passe sur les télés tunisiennes».» Voyant que cette couverture provoquait dès sa diffusion sur Twitter la veille de sa sortie de vives réactions, le directeur de publication «ne s’est pourtant pas inquiété outre mesure. Il se demande maintenant: «Quel mode d’expression employer pour répondre à ces gens-là qui sont trois cons? Les vrais musulmans n’incendient pas les journaux. Le pire c’est que ces trois cons vont faire passer tous les musulmans de France pour des intégristes.»
D’ailleurs, la page Facebook du magazine satirique français est envahie ce jeudi par une multitude de commentaires, parfois extrêmes, de ces musulmans indignés par la Une du journal représentant Mahomet, se réjouissant de l’incendie ou répétant à l’envi la profession de foi de l’islam. «Je témoigne qu’il n’y a de vraie divinité que Dieu et que Mouhamed est son messager», indique ainsi un commentaire qui revient très fréquemment, citant en arabe, ou traduite en français, la profession de foi musulmane, premier pilier de l’islam. Elle est inscrite des dizaines et des dizaines de fois, citée généralement quatre fois par chaque internaute et dupliquée ensuite par d’autres.
Quoi encore? «Tu as touché notre prophète», «Allez au diable, Charlie Hebdo», «Honte à Charlie Hebdo, vous avez gagné un bon tirage mais vous récolterez les conséquences», indiquent par ailleurs des messages de menaces, tandis que d’autres argumentent: «Les musulmans demandent une seule chose: des excuses publiques», dit l’un d’eux. «Si vous parlez de la liberté, alors pensez à ce que ça fait si je caricature Jésus», dit un autre. Ou encore: «Votre liberté s’arrête lorsque la liberté des autres commence…». Au total, des centaines de commentaires se retrouvent sur le «mur» de Charlie Hebdo, certains prenant aussi sa défense du journal avec force «Vive Charlie Hebdo!», «Merci Charlie», «Soutien à Charlie Hebdo!!!!!», etc.
Le journal catholique La Croix, qui évoque tous ces messages, a d’ailleurs comme par hasard aussi des problèmes de serveur ce matin. Et Le Septième Jour (Al-Youm Al-Sabee), journal et site d’information lancé en 2007 par la Société égyptienne de presse dit, lui, dévoiler «le scandale de l’hebdomadaire français Charlie Hebdo», comme le titre le quotidien du Caire sur un grand bandeau rouge qui barre sa une: «Il a commis le crime de se moquer du Prophète, en le déclarant par dérision rédacteur en chef», selon la traduction qu’en fait Courrier international. «C’est ce qui arrive lorsqu’on joue avec le feu face à un liquide extrêmement inflammable», renchérit un internaute en réaction au reportage de la chaîne de télévision panarabe Al-Jazira.
«Le journal islamophobe récidive!» s’exclame pour sa part le site Algérie Network, qui, avec ce titre, donne une fausse impression d’un article tout à fait équilibré, donnant d’ailleurs largement la parole à Stéphane Charbonnier dit Charb, directeur de publication: «Quand on traite de Nicolas Sarkozy, personne ne le dit, parce que c’est notre métier d’aller trop loin. Il y a un traitement particulier qui doit être réservé à l’islam et ce n’est pas normal du tout! Les musulmans radicaux en France représentent peu de gens, en plus on a affaire à une minorité qui croit parler au nom de l’islam mais c’est surtout au nom de la connerie!» a-t-il affirmé sur i-Télé.
Autre son de cloche sur le site Israel7.com, «toute l’actualité depuis Israël», pour lequel «le vote français à l’Unesco au côté de tous les Etats musulmans [pour l’intégration de la Palestine en tant que membre à part entière] n’aura donc pas évité à «la patrie des Droits de l’Homme» de subir les foudres de ceux qui sont en train de gangrener le pays comme le reste de l’Europe occidentale. Quelle ingratitude! […] Cet attentat prouve une fois de plus que la servilité immorale française envers les Etats arabes en abandonnant Israël n’est pas un paravent contre les assauts croissants de l’Islam dans l’Hexagone. Bien au contraire.»