«Des gosses envoyés se faire tuer par le gouvernement.» L'émotion et la colère ne cessent pas, après la mort de soldats français en Afghanistan. Engagés volontaires dans une armée professionnelle, les dix militaires sont présentés par beaucoup comme des victimes. L'analyse de Myriam Revault d'Allonnes, auteure de L'homme compassionnel (Seuil, 2008).
Le Temps: La politique compassionnelle de Nicolas Sarkozy n'est-elle pas en train de se retourner contre lui?
Myriam Revault d'Allonnes: En effet, le décès de ces parachutistes a entraîné une déferlante de réactions, les installant en position victimaires alors qu'un soldat, dans sa fonction même, prend le risque de mourir. La compassion est une tendance lourde de la démocratie contemporaine. A cela s'ajoute la doctrine «zéro mort», inventée par les Etats-Unis lors de la première guerre du Golfe. Dans ses discours - le plus flagrant était celui de Noël 2006 à Charleville-Mézières pour «la France qui souffre» - Nicolas Sarkozy s'adresse plus à des victimes potentielles qu'à des citoyens responsables.
- Comment expliquer cette tendance?
- Les modes d'analyse ont changé. Le bréviaire marxiste n'existe plus, la «lutte des classes» a été remplacée par la «fracture sociale». La souffrance et la précarité ont gommé la dimension conflictuelle, qui avait le mérite de mettre l'individu en mode agissant. C'est aussi un corollaire du recours toujours plus poussé à la justice. La responsabilité revient aux tiers.