Pour Genève et la Suisse, l’organisation de la Conférence de suivi de Durban apparaît de plus en plus comme un cadeau empoisonné. Et si les retraits devaient se multiplier, elle pourrait laisser des traces durables dans la compréhension, notamment entre l’Occident et le monde arabo-musulman et africain. Preuve que les inquiétudes sont prises au sérieux: la semaine prochaine, la haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Navi Pillay se rend à Berne. On peut imaginer que Durban sera au coeur des discussions.
Au niveau européen, l’Italie et la France ne sont toutefois pas seule à durcir le ton. Les Pays-Bas, le Danemark et le Royaume-Uni comptent parmi les Etats européens les plus intransigeants. Les Etats-Unis, quant à eux, soufflent le chaud et le froid. Il y a quelques jours, une délégation de Washington est venue à Genève et s’est impliquée activement dans les négociations du texte de la Conférence. Avant que les Etats-Unis annoncent leur ...retrait conditionnel. Du côté des pays qui ont déjà précisé qu’ils refusaient de se rendre à Genève figurent Israël et le Canada. L’Australie se tâte encore.
Les pierres d’achoppement sont la question de la diffamation des religions et de la liberté d’expression, des réparations liées au colonialisme et enfin, la plus sensible du Proche-Orient. Les Occidentaux ne sont pas prêts à céder à la volonté de certains Etats de créer une nouvelle norme pour prévenir des «attaques» contre la religion. Ils estiment que la norme contenue dans l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiquesest suffisante. C’est ce que Navi Pillay essaie de mettre en avant: l’article 19 répond déjà aux préoccupations des Etats.
Face à l’urgence, un groupe informel de quelque huit pays s’est formé pour tenter d’adopter un texte plus court (15 pages au lieu de 60) et consensuel. Trois pays, dont la Belgique, s’activent en qualité de facilitateurs. A l’heure actuelle, seuls 20% du texte qui est débattu depuis quelques semaines ont été approuvés. Autre décision sensible à prendre: la désignation de la personne qui va présider la conférence.
Quant à la question des réparations liées au colonialisme, il semblerait que les pays africains ne soient pas sur des positions maximalistes. Depuis la Conférence de Durban de 2001 en Afrique du Sud, plusieurs gestes ont été faits par des Etats occidentaux. En France, Jacques Chirac a institué une journée commémorative de l’esclavage. En Italie, l’actuel président Silvio Berlusconi a conclu un accord avec la Libye, ex-colonie italienne, à hauteur de plusieurs milliards de francs.