On s'attend à une impressionnante ovation. Lorsque Nancy Pelosi aura terminé son discours d'investiture en tant que présidente du Congrès, ses collègues démocrates auront du mal à cesser d'applaudir. Voilà douze ans qu'ils connaissaient le purgatoire de l'opposition sur la colline du Capitole. Pour eux, les cérémonies d'ouverture du nouveau Congrès, qui commencent ce jeudi, seront plus qu'un simple passage de témoin: une renaissance.
Mais on s'attend à ce que les applaudissements viennent aussi des rangs républicains. A ce parti, les électeurs ont infligé une vraie «raclée» le 7 novembre dernier, selon le terme employé par celui à qui la sanction était d'abord adressée, le président George Bush. Loin d'être unis derrière le président, certains n'ont pas manqué de s'en distancier autant qu'ils le pouvaient. La session parlementaire qui commence est, pour eux, davantage qu'une pure défaite: c'est aussi une respiration.
Que vont faire les démocrates? Comment vont-ils répondre à la soif de changement exprimée dans les urnes? Une chose est sûre: ils veulent aller vite. Mais ils ne souhaitent pas forcément tous aller très loin. Le programme sur lequel ils se sont mis d'accord concerne surtout les... cent premières heures de cette nouvelle législature. Cent heures durant lesquelles ils s'emploieront à démontrer qu'ils ont entendu le message. Ainsi, dans un premier temps, ils laisseront de côté les grandes questions auxquelles l'Amérique est confrontée, tels le réaménagement du système de santé ou de la sécurité sociale. Priorité aux questions qui peuvent avoir des résultats immédiats: baisse du prix de certains médicaments, développement de la recherche sur les cellules souches, renforcement des règles éthiques qui régissent le comportement des parlementaires...
L'Irak trop incandescent
La majorité démocrate (qui n'est que d'un seul siège au Sénat) le sait bien: si les Américains ont exprimé de façon si claire leur méfiance à l'égard de George Bush, c'est d'abord à propos de la guerre en Irak. Mais la question restera avant tout en mains présidentielles. Parce que le système américain donne de larges pouvoirs au président en matière de politique étrangère, mais surtout parce que la question est bien trop incandescente: après douze ans d'opposition, ce serait le meilleur moyen de se brûler les ailes d'entrée.
Le président républicain n'a pas encore officiellement dévoilé ses plans sur l'Irak. Mais il donne tous les signes d'avoir oublié ses promesses d'une collaboration «bipartisane». Ajoutée à l'opposition républicaine, ce président barricadé dans la Maison-Blanche donnera sans doute du fil à retordre aux démocrates. Et ce, d'autant plus qu'ils sont eux-mêmes loin de faire bloc. La plupart de ceux qui prêteront serment ce jeudi n'ont jamais exercé en tant que représentants de la majorité. Auront-ils la tentation d'en faire trop? Voudront-ils répondre avec les mêmes armes à ceux qui ne leur ont laissé jusqu'ici que des toutes petites miettes de pouvoir? Leur impatience à prendre leur revanche risque fort de se heurter à l'expérience des plus anciens (les jeunes les appellent les «vieux taureaux»), notent divers analystes américains.
«La nouvelle classe qui arrive est absolument déterminée à mener à bien ses engagements», expliquait le représentant du Maryland, Chris Van Hollen, comme pour donner raison à ces analystes. «Maintenant que nous sommes au pouvoir, nous voulons être sûrs qu'il y aura un changement de direction à Washington. Ce sera la fin du business as usual.»