Le discours de George W. Bush sur l’«Axe du mal» de 2002, trente-trois ans de rupture diplomatique et l’anti-américanisme comme fondement de la révolution islamique de 1979. L’accord intérimaire conclu à Genève entre les cinq membres permanents du Conseil de sécurité, l’Allemagne et l’Iran a été décrit comme un premier pas historique vers une possible résolution du casse-tête nucléaire iranien, voire vers un rapprochement irano-américain. Mais à Washington, le Congrès ne ménage pas ses critiques alors qu’une large majorité d’Américains se dit favorable à la diplomatie nucléaire de Barack Obama avec Téhéran.

Un Etat voyou

Un groupe de 14 sénateurs démocrates et républicains est prêt à adopter avant Noël de nouvelles sanctions contre l’Iran en dépit des appels de l’administration démocrate exhortant à ne pas le faire au risque de torpiller l’accord conclu le 24 novembre à Genève. Pour la Maison-Blanche, de nouvelles sanctions violeraient l’accord et rendraient encore plus ardue la tâche des six puissances négociatrices. Elles pourraient même être contre-productives, apportant de l’eau au moulin des durs du régime iranien.

Les avertissements n’ont pourtant que peu d’impact sur le Capitole, où l’Iran reste largement perçu comme un Etat voyou qui soutient le terrorisme international et qui serait une menace vitale pour Israël. Les faucons ne sont pas que républicains. Le président de la Commission des relations extérieures du Sénat, le démocrate d’origine cubaine Robert Menendez, ne voit pas le problème d’adopter de nouvelles sanctions aujourd’hui, même s’il est prêt à les mettre en œuvre dans six mois. Son homologue républicain Bob Corker va, lui, jusqu’à proposer son propre projet de loi expliquant ce qu’un accord avec l’Iran doit contenir.

Le Congrès américain semble à des années-lumière des subtilités diplomatiques contenues dans le document de Genève. A ses yeux, il est bien entendu hors de question que l’Iran puisse conserver des capacités d’enrichissement d’uranium, même à des fins civiles, même sous le strict contrôle de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et même en conformité avec le Traité de non-prolifération (TNP) dont l’Iran est un Etat partie.

Au sein de l’administration de Barack Obama, on déplore que le Congrès voie les sanctions comme une fin en soi. Le président américain ne manque pas d’interpeller ses adversaires: quelle est l’alternative? Accroître les sanctions? «C’est ce que nous avons fait.» Attaquer les installations nucléaires iraniennes? Beaucoup estiment qu’il est trop tard et qu’une telle action militaire ne ferait qu’accentuer la détermination de Téhéran d’acquérir la bombe.

Au Capitole, l’Iran est d’ailleurs le seul sujet qui semble unir démocrates et républicains. Le 113e Congrès est le plus improductif de l’histoire du pays, incapable d’approuver une loi urgente sur l’agriculture, une loi nécessaire sur l’immigration, voire même, pour la première fois en cinquante-deux ans, la loi budgétaire du Pentagone. L’unanimité contre l’Iran, dont l’influence régionale n’a cessé d’augmenter grâce notamment à la désastreuse aventure américaine en Irak, procède aussi des pressions exercées par l’AIPAC, le puissant lobby pro-Israël de Washington qui presse les sénateurs d’adopter de nouvelles sanctions. Elle contraste avec le soutien presque inconditionnel du Congrès à Israël.

Levée des sanctions

Lors d’une visite de Benyamin Netanyahou à Washington en mai 2011, le premier ministre israélien avait eu droit à 29 standing ovations des deux Chambres du Congrès réunies dont l’une pour avoir critiqué les propos du président Barack Obama sur la nécessité de négocier la paix entre Israéliens et Palestiniens sur la base des frontières de 1967.

La divergence de vision entre la Maison-Blanche et le Congrès pourrait être l’un des principaux obstacles pour résoudre la question nucléaire iranienne et déterminer le destin du régime de non-prolifération. Car c’est au Congrès qu’il incomberait de lever le très lourd régime de sanctions qu’il impose à l’Iran depuis plus de trente ans.