Le Conseil fédéral desserre l'étau pour les restaurants et les cinémas, les experts critiques à l'égard de l'OMS et des Etats: les nouvelles du 12 mai
Pandémie
Le gouvernement suggère de rouvrir les salles des restaurants au 31 mai. Les espaces culturels et sportifs pourraient accueillir 100 personnes à l’intérieur. Notre suivi sur le front du virus
L'essentiel
Ce mercredi, le Conseil fédéral annonce une nouvelle série de desserrement, notamment la réouverture des restaurants en salle au 31 mai, la jauge pour les cinémas et autres à 100 personnes à l'intérieur, et une prolongation des RHT.
Un groupe d’experts indépendants a rendu un rapport sévère à l'égard de l'OMS, la Chine et les gouvernements dans l’ensemble.
Retrouvez notre suivi de la journée de mardi.
■ Un instantané: à New Delhi
Pour clore ce suivi de ce mercredi marqué par les nouvelles annonces du Conseil fédéral, une image de la banlieue de New Delhi, où un patient reçoit une assistance pour l'oxygène dans un dispensaire tenu par des organisations religieuses sikhs.
■ Les faitières économiques un peu divisées
Economiesuisse, la représentante des grandes sociétés, se montre très favorable aux décisions du jour, jugeant que le Conseil fédéral «pose de bonnes bases pour la sortie de crise».
Son de cloche plus grinçant chez les PME. L'Union suisse des arts et métiers «estime que la nouvelle étape d’assouplissement est trop hésitante, trop lente et ne va pas assez loin». Elle peste à nouveau contre la task-force scientifique, qu'elle juge trop alarmiste et trop bavarde, et réclame sa dissolution.
■ GatroSuisse réplique
La faîtière de la restauration s'exprime dans la foulée du gouvernement. Une fois n'est pas coutume, «nous remercions le Conseil fédéral pour sa décision du jour», lance Casimir Platzer, le président, signe que la crise est peut-être en cours de conclusion.
Daniel Borner, directeur, assure que la branche compte respecter les plans de protection comme elle l'a fait lors de la précédente réouverture. Et comme le fait GastroSuisse depuis longtemps, il met en garde contre un nouvel «effet yoyo»: pas question de refermer.
■ Les RHT prolongées
Les décision du Conseil fédéral de ce mercredi portent aussi sur les appuis économiques. Ainsi, la durée maximale de l'indemnité en cas de réduction de l'horaire de travail (RHT) passe de 18 à 24 mois Le gouvernement suit de ce fait des demandes des milieux économiques et du parlement. La dernière fois que les indemnités RHT ont été augmentées à 24 mois, c'était en 2009.
Le Conseil fédéral prévoit en outre de prolonger la durée de validité de la procédure sommaire de décompte de l’indemnité en cas de RHT de trois mois supplémentaires, soit jusqu’à la fin septembre 2021.
Pour Guy Parmelin, ministre de l’Economie et président de la Confédération, il s’agit pour le Conseil fédéral «d’assumer ses responsabilité après les mesures restrictives sanitaires». «Un bon chef d’entreprise doit se préparer et anticiper» lance le Vaudois; «Les aides publiques ont permis d’assurer les salaires et garantir les liquidités des entreprises: il faut maintenant se préparer à une sortie par étapes.»
■ Les cantons veulent freiner un peu le gouvernement
La Conférences des directeurs cantonaux de la Santé «salue» le modèle du Conseil fédéral (ci-dessous), et ses décisions du jour.
Les ministres cantonaux veulent surtout mettre l'accent sur la nécessité de desserrer les vis par étapes claires, et espacées; ils demandent des pauses afin d'analyser la situation, laissant entendre que le rythme choisi ces dernières semaines est un peu rapide.
Ils détaillent leur propos: «Les organisateurs d’évènements, les écoles, les établissements de restauration, les institutions culturelles, les clubs sportifs, mais aussi les clients et les participants ne peuvent pas s'adapter toutes les deux ou trois semaines à de nouvelles mesures (taille des groupes, nombre de mètres carrés, restrictions des capacités ou mesures de sécurité). Avec des étapes d'ouverture moins nombreuses, mais plus claires, il est possible d'éviter une micro-gestion difficilement surmontable dans la mise en œuvre et dans l’application des mesures.»
■ Un semblant de normalité dans deux semaines
Le Conseil fédéral présente ses nouvelles hypothèses, basées sur son «modèle des trois phases». Il y a la phase «de protection», jusqu'à ce que les vaccinations soient ouvertes à tout le monde, a priori fin mai; celle «de stabilisation», avec les réouvertures et jusqu'à ce que toutes les personnes qui veulent être vaccinées le soient (fin juillet); enfin, celle «de normalisation».
Alain Berset parle d’une situation «encourageante», analyse que conforte les chiffres du jour (1539 nouveaux cas). «Mais ce n’est pas une invitation à tout relâcher», s’empresse d’ajouter le ministre de la Santé.
Parmi les principales propositions – formellement, il n’agit d’une mise en consultation:
- Dès le 31 mai, les restaurants peuvent rouvrir leurs salles, «si le nombre de cas n’augmente pas». Les contraintes sont les mêmes qu'en terrasse, et il devra y avoir liste des clients;
- Les manifestations, par exemple cinémas ou théâtres, peuvent accueillir 100 personnes à l’intérieur, à hauteur de la moitié de la capacité de la salle (actuellement 50 à un tiers);
- A l'extérieur, c’est 300 personnes;
- Les clubs de sports peuvent se réunir à 30 personnes, au lieu de 15;
- Dans la culture amateure, la limite passe à 50 personnes pour les spectacles et leurs répétitions;
- Le télétravail n’est plus «obligatoire», terme utilisé par le gouvernement, mais qui avait une compréhension variable selon les entreprises;
- Fin de la quarantaine pour les personnes vaccinées qui auraient fréquenté des personnes-contacts, ainsi que pour les voyageurs.
- Dans l'enseignement supérieur, la barre des 50 personnes est levée. Les universités peuvent accueillir leurs ouailles à la moitié de la capacité des salles.
Ces décisions seront confirmées le 26 mai. A ceux qui s'impatientent, notamment concernant la levée des limites physiques dans les restaurants, Alain Berset rétorque que «la Suisse a été la première à faire certaines réouvertures, comme les terrasses, assez loin à la ronde», c'est à dire avant la France, l'Allemagne ou la Belgique, par exemple.
La prochaine étape d'ouvertures, qui concernera spécialement sport et culture, aura lieu le 11 juin.
■ Un instantané: les audiences publiques du pape
Tenues virtuellement depuis novembre, les audiences publiques du pape François ont repris ce mercredi, avec les distances de rigueur.
■ Le rapport d'experts indépendants (1/3): les critiques à l'égard de l'OMS et la Chine
Un groupe de 13 experts indépendants a rendu ce mercredi matin à Genève son rapport sur la pandémie. Il a fallu trop de temps pour déclarer le coronavirus en urgence sanitaire internationale, estiment les enquêteurs internationaux, que résument les agences de presse. Ils égratignent l'OMS dont ils veulent voir le pouvoir d'investigation étendu. Il y a eu un véritable «cocktail toxique» de déni, mauvais choix et manque de coordination a plongé le monde dans une pandémie.
La Chine, visée plus tard par de nombreux Etats pour un manque de collaboration, avait relayé en décembre 2019 les premières indications de cas de pneumonie d'origine inconnue. Mais l'Organisation mondiale de la santé (OMS), qui s'appuie sur son comité d'urgence indépendant, avait attendu fin janvier pour déclarer une urgence internationale. «Trop long», estime dans son rapport final le panel de 13 membres. Il affirme que cette étape aurait pu être recommandée huit jours plus tôt par le comité d'urgence.
Le panel avait été mandaté en mai 2020 par l'Assemblée mondiale de la santé, notamment après les critiques américaines contre l'organisation et son directeur général Tedros Adhanom Ghebreyesus, accusés d'être trop proches de Pékin. Le système d'alerte «n'est pas assez rapide», a dit à la presse la coprésidente de cette investigation, l'ancienne cheffe d'Etat du Liberia et Prix Nobel de la paix Ellen Johson Sirleaf.
«L'OMS a été entravée et pas aidée par le Règlement sanitaire international», en vigueur depuis 2007, renchérit l'autre coprésidente, l'ex-première ministre néo-zélandaise Helen Clark, qui déplore aussi des «retards» de Pékin. L'organisation aurait dû dire aux Etats rapidement qu'une propagation humaine était non seulement possible, mais qu'elle avait lieu.
■ Le rapport d'experts indépendants (2/3): les faiblesses des Etats
Dans son analyse, le groupe d'experts mandaté par l'Assemblée mondiale de la santé pointe aussi les gouvernements. En février 2020, bien davantage parmi eux auraient pu prendre des dispositifs pour mieux empêcher la propagation du virus. Le Conseil de sécurité de l'ONU a aussi été incapable d’œuvrer, selon le panel. La semaine dernière, deux autres évaluations indépendantes avaient déjà ciblé des «lacunes» de l'OMS et des Etats.
Sans action immédiate pour changer le système, celui-ci «ne nous protégera pas de la prochaine pandémie», insiste Ellen Johson Sirleaf. «La situation dans laquelle nous sommes aurait pu être évitée», dit-elle, déplorant des avertissements ignorés, des «échecs» et «des retards».
■ Le rapport d'experts indépendants (3/3): les recommandations
Le panel d'experts, qui a donc rendu son rapport ce mercredi matin, recommande le lancement d'un Conseil mondial des menaces sanitaires, qui réunirait les chefs d'Etat et de gouvernement. Comme au Conseil des droits de l'homme, les Etats seraient examinés par leurs pairs sur leur préparation.
Une Convention-cadre contre les pandémies devrait aussi être adoptée dans les six prochains mois. Et le Conseil serait chargé d'attribuer un fonds doté de 5 à 10 milliards de dollars par an, alimentés pendant 10 à 15 ans, pour les besoins en cas de pandémie.
Un nouveau système mondial de surveillance devrait aussi être établi. L'OMS pourrait alors relayer des indications sur des épidémies avec potentiel pandémique, sans attendre l'approbation d'un Etat, et déployer des investigateurs rapidement. Les Etats doivent aussi mieux doter l'organisation financièrement et tout directeur général ne devrait pas dépasser un seul mandat de sept ans, selon le panel.
L'accélérateur pour un accès équitable aux vaccins et autres technologies contre le coronavirus doit devenir une plateforme mondiale et le G7 doit alimenter immédiatement 60% des plus de 16 milliards de francs requis, insistent les enquêteurs. Ils demandent aux pays riches de partager un milliard de doses excédentaires avec le dispositif Covax d'ici septembre, deux milliards d'ici la moitié de l'année prochaine.
■ Un filet dans le Gange pour repêcher les corps
Les autorités du nord de l'Inde déclarent ce vendredi avoir installé un filet en travers du fleuve Gange, après la découverte de dizaines de corps échoués, des victimes présumées du Covid-19.
Le ministre des Ressources en eau de l'Etat du Bihar (nord-est du pays), Sanjay Kumar, a annoncé ce mercredi qu'un «filet avait été placé» dans le Gange à sa frontière avec l'Etat de l'Uttar Pradesh où les patrouilles avaient été renforcées.
1/3 The Bihar Government is seized of the matter of unfortunate case of floating mortal remains in river Ganga, near Chausa village in Buxar district. The bodies have floated into Bihar from UP. Upon postmortem, our doctors have confirmed that these are 4-5 days' old bodies.
— Sanjay Kumar Jha (@SanjayJhaBihar) May 11, 2021
La découverte de 71 cadavres dans l'Etat de Bihar a ravivé les craintes que le virus ravage déjà le vaste arrière-pays rural de l'Inde où vivent les deux tiers de la population.
Le gouvernement de l'Etat s'est «saisi de l'affaire malheureuse de dépouilles mortelles flottant» dans les eaux du Gange, a ajouté Sanjay Kumar se disant «peiné par la tragédie et le préjudice causé au fleuve Gange». Le ministre a précisé que les autopsies avaient révélé que les défunts étaient morts depuis quatre à cinq jours.
L'agence AFP a interrogé des habitants selon lesquels les corps pourraient avoir été abandonnés dans le fleuve, sacré pour les hindous, par leurs proches qui n'avaient pas les moyens d'acheter du bois pour les crémations traditionnelles ou faute de place dans les crématoriums submergés par le nombre de morts dus au Covid-19.
■ L'UE revoit ses prévisions économiques à la hausse
La Commission européenne relève nettement ses prévisions de croissance 2021 et 2022 pour la zone euro en raison de l'accélération de la vaccination et l'assouplissement des mesures de confinement, dans ses prévisions économiques publiées mercredi, que relaie l'AFP.
Après une récession inédite de 6,6% en 2020, la croissance dans les 19 pays ayant adopté la monnaie unique devrait s'afficher selon Bruxelles à 4,3% en 2021 et 4,4% en 2022, contre 3,8% pour ces deux années dans sa dernière estimation en février.
La zone euro doit toutefois faire face à un niveau d'endettement très élevé à cause des dépenses induites par le virus, à plus de 100% de son PIB pour 2021 et 2022.
■ La police valaisanne s'est fait largement testée
Le Conseil d'Etat valaisan indique que les troupes de la polices cantonale se sont livrée à un «test pilote de détection de masse». Depuis le 12 avril 2021, «hebdomadairement, les collaboratrices et collaborateurs du Corps ont procédé à des auto-prélèvements salivaires qui ont été transmis à un laboratoire valaisan».
Le gouvernement indique que le laboratoire «a procédé à 2020 analyses pour le compte de la Police cantonale. Sur une période d’un mois, seuls 5 résultats se sont révélés positifs au Covid-19.»
■ Le variant dit indien repéré dans 44 pays
L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a détecté le variant à l'origine de l'explosion du nombre de cas de covid-19 en Inde dans au moins 44 autres pays du monde, annonce-t-elle ce mercredi.
Le variant B.1.617, apparu pour la première fois en Inde en octobre, a été détecté dans des séquences versées dans la base de données GISAID «depuis 44 pays dans l'ensemble des six régions de l'OMS», indique l'organisation, ajoutant qu'elle a reçu «des notifications de détection dans cinq autres pays». En dehors de l'Inde, c'est en Grande-Bretagne que le plus grand nombre de cas de contaminations au variant B.1.617 a été détecté.
■ Près de la moitié des dirigeants se tournent vers les Etats-Unis
Près de la moitié des dirigeants de la planète ont demandé l'aide des Etats-Unis pour pallier le manque de vaccins, a affirmé mardi soir le président américain Joe Biden. «Tous les pays du monde se tournent vers nous», a-t-il expliqué lors d'un échange avec des gouverneurs pour faire le point sur la vaccination aux Etats-Unis.
J'ai 40% des dirigeants de la planète qui demandent si on peut les aider
, a-t-il poursuivi.
«On va essayer», a-t-il ajouté, sans livrer de chiffres ni de calendrier, et en martelant sa volonté de donner la priorité aux Américains. «Je pense que nous pouvons produire beaucoup plus de vaccins», a-t-il estimé.
Plusieurs chefs d'Etat ou de gouvernement ont exprimé leur frustration face à l'attitude de Washington sur ce dossier. La chancelière allemande Angela Merkel a appelé de ses vœux «un libre-échange de composants» et «une ouverture du marché des vaccins».
Le président français Emmanuel Macron a de son côté appelé les Etats-Unis à «mettre fin aux interdictions à l'export, non seulement de vaccins, mais de composants de ces vaccins, qui empêchent la production».