«A la COP21, les îles du Pacifique vont se battre de toutes leurs forces»
Climat
David Sheppard dirige le Programme régional océanien de l’environnement. Il confirme au «Temps» la détermination des pays insulaires les plus vulnérables à la montée des océans

Ils n’ont qu’un seul objectif: survivre. Et éviter à leurs enfants et petits-enfants l’inéluctable exil climatique. A Paris, les chefs d’Etat ou de gouvernement des îles du Pacifique les plus vulnérables aux conséquences du réchauffement climatique prendront la parole ce mercredi lors d’un événement qui leur sera consacré à la COP21. David Sheppard, directeur du Programme régional océanien de l’environnement (PROE) basé à Appia (Samoa) rappelle la gravité de la situation et leurs exigences.
Le Temps: La COP 21 a démarré lundi par une litanie d’encouragements à agir de la part des dirigeants mondiaux. Etes-vous rassuré?
David Sheppard: Le chiffre le plus important, pour les pays insulaires du Pacifique, est celui des 1,5 °C. Il faut qu’à l’issue de la COP21, l’accord mentionne ce chiffre comme la limite à ne pas dépasser d’ici à la fin du siècle. Le chiffre de 2 °C le plus couramment évoqué n’est pas suffisant pour des Etats menacés d’être submergés tels les quatre plus fragiles: Tuvalu, Kiribati, les îles Marshall ou le territoire de Tokelau. Quant aux 2,7 °C calculés à partir des quelque 180 contributions nationales aux réductions d’émissions de gaz à effet de serre (INDC) présentées avant cette COP21, ils reviennent, ni plus ni moins, à sacrifier à moyen terme les populations insulaires. Cette COP21 ne pourra pas éviter, si l’on veut un texte capable de répondre aux défis climatiques, des décisions difficiles.
– Ne pensez-vous pas que les petits pays les plus vulnérables seront, in fine, contraints de s’incliner?
– Je peux vous garantir que les Etats du Pacifique vont se battre de toutes leurs forces durant ces deux prochaines semaines. Ils vont le faire d’autant plus que cette COP21 leur offre l’audience internationale dont ils ont besoin pour faire connaître l’urgence de leur situation. Ce sommet sur le climat présente des risques, car nous redoutons un accord insuffisant. Mais il constitue aussi une formidable opportunité pour témoigner et apporter la preuve des tragédies climatiques qui se multiplieront si on ne fait rien.
Lire: COP21. Les questions de nos internautes à nos journalistes
– Les grands pays ont-ils conscience de cette urgence?
La plupart des pays du monde compatissent et sont aux côtés des îles menacées du Pacifique. La Chine ou les Etats-Unis, qui ont des intérêts économiques et stratégiques importants dans cette région, leur prêtent une attention particulière et investissent dans des projets destinés à freiner le réchauffement, ou à se protéger de la montée des océans. Les 14 pays membres de notre organisation savent toutefois qu’autour de la table des négociations lors de cette COP21 chaque mot, chaque phrase comptera. La question centrale, pour les îles menacées, est l’équité des solutions proposées. Nous allons nous battre pour la faire respecter.
– Plusieurs pays européens sont à vos côtés, dont la Suisse…
La Suisse finance, depuis deux ans, un programme très original d’échanges d’expériences et de formation des négociateurs insulaires sur la question du climat. Trois ou quatre tables rondes d’experts financées par la Suisse se sont réunies, et elles ont permis d’améliorer la capacité des gouvernements insulaires à défendre leurs intérêts lors d’une grande conférence comme celle-ci. C’est primordial, et cela nous a été d’un grand secours.
– Un autre sujet toujours délicat est le financement. Quid de l’argent promis pour lutter contre le réchauffement et assurer l’indispensable transition économique? Les Etats insulaires sont-ils aidés?
– Le Fonds vert de l’ONU pour le climat a annoncé, en novembre, sa première série de projets, et plusieurs concernent les îles du Pacifique. Nous sommes donc optimistes. Il faut comprendre que le réchauffement, en Océanie, n’affecte pas seulement la montée des eaux. Il a des conséquences agricoles, touristiques, économiques. Tout l’écosystème insulaire est menacé par la montée des températures. Il est donc indispensable de financer l’adaptation des pays concernés, très pauvres pour la plupart, à cette nouvelle donne climatique. Là aussi, la bataille lors de la COP21 promet d’être rude.