«La crise grecque sera un catalyseur pour l’UE»
Interview
Chef de cabinet du gouvernement de Georges Papandréou, le ministre Haris Pamboukis ne cache pas les difficultés actuelles de la Grèce. Mais il estime que les Grecs sont prêts aux sacrifices pour autant que l’impunité soit combattue. Il réfute par ailleurs l’idée d’un gouvernement d’union nationale
Chef de cabinet du gouvernement de Georges Papandréou, Haris Pamboulis est au cœur de la crise grecque. Avocat et professeur de droit, il travaillait dans le secteur privé avant d’être appelé à un poste de ministre au sein de l’exécutif grec. Il livre au Temps les sentiments qui l’anime quelques jours après la décision européenne de venir en aide à la Grèce à hauteur de 110 milliards d’euros. Il évoque aussi la visite vendredi du premier ministre turc Erdogan à Athènes
Le Temps: Le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan était en visite vendredi à Athènes. Un accord bilatéral a été conclu pour le renvoi en Turquie des migrants irréguliers. Est-ce une vraie percée dans les relations greco-turques?
Haris Pamboukis: Nous ouvrons une nouvelle page dans les relations entre Athènes et Ankara. La Turquie est un voisin culturellement proche. Nous soutenons son vœu d’adhérer à l’Union européenne pour autant que les principes (démocratiques) qui sous-tendent l’UE soient respectés. Preuve que nous avançons, un Conseil supérieur de coopération comprenant dix ministres de part et d’autre a été établi et devrait traiter de questions économiques, politiques et sécuritaires. Au plan de l’armement, nous avons décidé de le réduire. En 2004 déjà, quand il était chef de l’opposition, Georges Papandréou l’appelait de ses vœux. C’est ce qu’il appelait le dividende de la paix. Mais cette réduction n’est pas une fin en soi. Il faudra aussi s’attaquer aux causes de la course aux armements entre la Grèce et la Turquie.
– Au plan intérieur, deux grèves nationales ont déjà paralysé le pays, une troisième est annoncée pour le 20 mai. Deux explosions, l’une vendredi à Salonique, l’autre jeudi près d’Athènes, révèlent une instabilité manifeste. Comment gérez-vous la pression de la rue à l’heure où vous devez mettre en œuvre le plan d’austérité?
– Nous avons pris des mesures d’urgence tellement radicales qu’elles vont engendrer des souffrances énormes au sein de la classe moyenne qui est la moins protégée. C’est dès lors compréhensible qu’il y ait des réactions. Cela dit, jusqu’ici, le gouvernement n’a succombé à aucune revendication particulière des différents groupes sociaux. Il faut toutefois nuancer: il y a les réactions des mouvements sociaux, des syndicats. Elles ne nous inquiètent pas et sont normales au vu de la sévérité des économies. Mais il y a aussi les cris de colère de l’extrême gauche qui dénoncent moins les mesures d’austérité que l’impunité de ceux qui ont fraudé. Les Grecs seront tolérants envers les sacrifices requis pour autant qu’il n’y ait pas qu’une seule catégorie de gens qui passe à la caisse. Voilà pour les mesures d’urgence. Nous devrons toutefois travailler d’arrache-pied pour mener à bien la réforme du fonctionnement de l’Etat. Nous devons réformer les institutions de manière à ce qu’une telle crise ne se reproduise plus.
– Comment avez-vous vécu les atermoiements de l’Union européenne?
– Au début, nous n’avions pas cerné l’étendue de la crise. Mais quand nous l’avons fait, nous avons agi vite, plus vite que nos partenaires européens qui n’ont pas tous réalisé l’impact que pourrait avoir la crise grecque. C’est tout le problème de la gouvernance de l’UE qui ne permet pas des décisions rapides. C’est aussi le problème du repli national au détriment du collectif européen. Quoi qu’il en soit, pour l’UE, la crise grecque va être le catalyseur d’une réforme qui va instituer une vraie gouvernance européenne, davantage de coordination en matière économique et fiscale. L’UE va devenir plus cohérente et l’euro plus constant.
– La réforme fiscale est votre chantier le plus ambitieux et le plus nécessaire.
– C’est un énorme défi: transformer une économie souterraine en une économie transparente sans provoquer une stagnation permanente. L’exercice est loin d’être facile. C’est toute la difficulté de conjuguer austérité et croissance. Sans prendre en compte le développement de l’économie grecque, les 110 milliards d’euros d’aide de l’Union européenne risquent d’être insuffisants. Pour augmenter les recettes de l’Etat, nous avons déjà établi des règles claires pour que les gens soient amenés à déclarer leurs revenus. C’est un effort à long terme. Dans ce contexte, les politiques ont, estime Georges Papandréou, un rôle éducatif fondamental à jouer. Techniquement, nous allons informatiser la perception des impôts. Ce sera plus efficace. Cela permettra aussi d’être plus impersonnel et d’éviter les risques de corruption. Pour remonter la pente, il sera aussi nécessaire d’attirer davantage d’investissements directs, notamment dans le domaine des énergies renouvelables.
– Le directeur du quotidien Kathimerini Alexis Papahelas prône un gouvernement d’union nationale. Y êtes-vous favorable?
– La Grèce a expérimenté deux fois cette forme de gouvernement. Ce fut un échec total. En l’occurrence, l’agenda du gouvernement et celui de l’opposition (Nouvelle Démocratie) ne concordent pas. Il faut être constant et efficace. C’est l’engagement de Georges Papandréou. Il n’y a pas de problème de légitimité. Ce dernier a été élu avec une confortable majorité en octobre 2009.