Les Occidentaux ont affiché samedi leur soutien à l’opposition ukrainienne en rencontrant à Munich ses dirigeants, qui les ont alertés sur les risques d’une intervention de l’armée à Kiev.

Les chefs de file de l’opposition, Vitali Klitschko et Arseni Iatseniouk, ont fait part de leur inquiétude au secrétaire d’Etat américain, John Kerry et à ses homologues français Laurent Fabius et allemand Frank-Walter Steinmeier, qui les ont rencontrés samedi séparément.

«Les Etats-Unis et l’Union européenne se tiennent au côté du peuple ukrainien dans son combat» pour se rapprocher de l’Europe, a affirmé John Kerry lors de la Conférence sur la sécurité de Munich.

A Kiev, le parti de l’opposante emprisonnée Ioulia Timochenko a indiqué que le pouvoir ukrainien était en train de préparer l’instauration de l’état d’urgence pour mettre fin à plus de deux mois de contestation.

L’armée ukrainienne avait exigé vendredi des mesures d’urgence, affirmant que l’escalade de la contestation menaçait «l’intégrité territoriale» de cette ancienne république soviétique.

«Des rumeurs circulent sur l’état d’urgence et les agissements de certaines forces de sécurité» à Kiev, a déclaré une source diplomatique française. «De telles décisions ne seraient pas acceptables», a-t-elle dit.

Interlocuteurs pris au sérieux

En rencontrant les principaux dirigeants de l’opposition, les Occidentaux montrent qu’ils les considèrent comme des interlocuteurs à part entière qui ne peuvent plus être écartés.

«Nous devons éviter une guerre civile», a dit Vitali Klitschko après s’être entretenu avec le chef de la diplomatie allemande Franz-Walter Steinmeier.

Dans une claire allusion à la Russie, M. Kerry a affirmé que les Ukrainiens «considèrent que leur avenir ne dépend pas d’un seul pays et certainement pas sous la contrainte».

Cette prise de position est la plus forte exprimée à ce jour par Washington en faveur de l’opposition.

«La Russie et les autres pays ne devraient pas voir l’intégration européenne de ses voisins comme un jeu à somme nulle», a fait valoir John Kerry.

La réplique russe

Touchés au vif, les Russes ont d’abord tenté d’ironiser sur ces réunions entre opposants et Occidentaux. «C’est du cirque», avait écrit vendredi sur Twitter le vice-Premier ministre russe, Dmitri Rogozine.

Samedi, le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a dénoncé les critiques des responsables de l’UE et des Etats-Unis contre le régime ukrainien.

«En quoi les encouragements à des manifestations de rue de plus en plus violentes sont-ils liés à la promotion de la démocratie?», s’est interrogé M. Lavrov.

En marge de la conférence, le ministre russe a néanmoins discuté des solutions à la crise avec ses homologues américain, français et allemand.

Le mouvement de contestation né du refus de Viktor Ianoukovitch fin novembre de signer un accord d’association avec l’UE, y préférant un rapprochement avec Moscou, s’est transformé en une crise profonde qui inquiète de plus en plus à l’étranger.

Militant mal en point

Les services spéciaux ont annoncé à Kiev dans la nuit de vendredi à samedi avoir ouvert une enquête pour «tentative de prise de pouvoir» après avoir examiné les serveurs saisis en décembre au siège du parti Batkivchtchina, la formation de Ioulia Timochenko dirigée actuellement par M. Iatseniouk.

La chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton a pour sa part annoncé qu’elle se rendrait à nouveau à Kiev la semaine prochaine pour tenter d’aider à résoudre le conflit qui a fait au moins quatre morts et plus de 500 blessés.

Vitali Klitschko a dénoncé samedi les pressions du pouvoir sur le militant Dmytro Boulatov, hospitalisé après avoir été enlevé et torturé.

Dmytro Boulatov «est encore hospitalisé en soins intensifs, il ne se sent pas bien et le gouvernement ukrainien essaye malgré tout cela de faire pression sur lui», a dit M. Klitschko en s’exprimant depuis un podium près de l’hôtel où a lieu la Conférence sur la sécurité à Munich.

Le récit de Dmytro Boulatov, un militant d’opposition de 35 ans enlevé le 22 janvier à Kiev et abandonné dans une forêt jeudi après avoir été torturé, a ému jusqu’à Washington et suscité des craintes de répression cachée.

L’offre de Didier Burkhalter

Samedi à Munich, le chef du Département fédéral des affaires étrangères Didier Burkhalter a aussi rencontré son homologue ukrainien et les principaux représentants de l’opposition. Il s’est également entretenu avec Catherine Ashton, cheffe de la diplomatie de l’Union européenne.

«La proposition de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) d’aider l’Ukraine à trouver une solution politique pour sortir de la crise est toujours d’actualité», a déclaré Didier Burkhalter à ses interlocuteurs.