La défense africaine commune s’organise
sommet de l’élysée
Une force militaire d’action rapide africaine devrait être créée d’ici à 2015. Au Sommet de l’Elysée qui se termine samedi, le président François Hollande propose l’aide de la France pour la former
Sous le regard d’un Madiba souriant, le poing levé, dont le portrait géant s’affiche à côté du pupitre des orateurs, les chefs d’Etat et de gouvernement ainsi que les ministres de 53 pays d’Afrique ont ouvert vendredi au Palais de l’Elysée un sommet de deux jours, à l’invitation de François Hollande. «Le destin veut que l’Afrique soit réunie, ici à Paris, dans un sommet sur la paix et la sécurité, au lendemain de la mort de Nelson Mandela. C’est un symbole et, en même temps, une exigence de responsabilité», a déclaré le chef de l’Etat français en rendant hommage à celui «qui prend place dans la conscience universelle».
Dans deux autres interventions émouvantes, la ministre des Relations internationales du pays, Maite Nkoana-Mashabane, puis Nkosazana Dlamini-Zuma, la présidente de la commission de l’Union africaine, ont loué le «fondateur de la véritable Afrique du Sud». Jeudi soir, la délégation sud-africaine a hésité à faire ses valises, mais elle a décidé de rester à Paris, car «Nelson Mandela n’aurait pas voulu être célébré ainsi, a confié Maite Nkoana-Mashabane. La lutte continue, l’Afrique ne sera libre que lorsqu’elle sera totalement libérée des guerres, du sous-développement, de la pauvreté et des inégalités.»
Après une minute de silence, les travaux ont débuté, consacrés d’abord aux enjeux de sécurité. C’est la deuxième collision avec l’actualité: dès jeudi soir, la France a commencé son opération en Centrafrique, officiellement en renfort de la force africaine, la Mission internationale de soutien à la Centrafrique (Misca), mais en réalité en première ligne. Pour l’instant, le contraste est saisissant entre la théorie et la pratique. Car s’agissant de l’objectif, les volontés politiques des pays africains et de la France se rejoignent: «C’est aux Africains d’assurer leur sécurité.» Ce principe devrait figurer dans la déclaration finale. «Nous devons trouver des solutions africaines aux problèmes africains», affirmait déjà Maite Nkoana-Mashabane en début de journée, tandis que le président guinéen Alpha Condé estimait qu’il n’était «pas normal» que «la France soit obligée d’intervenir en pompier pour nous sauver». C’est aussi la doctrine défendue par François Hollande: la France ne souhaite plus intervenir en première ligne.
L’objectif est posé, il fait consensus, mais «on n’en est pas encore là», explique Laurent Fabius, le patron du quai d’Orsay. La mise en place de la future Capacité africaine de réaction immédiate aux crises (CARIC) a pourtant progressé à Paris; ce projet de force militaire d’intervention rapide avait été avancé à Addis-Abeba en mai dernier, lors du sommet du 50e anniversaire de l’Union africaine. A Paris, François Hollande a annoncé que la France était prête «à apporter tout son concours» pour faire progresser cette capacité de défense commune, en offrant un appui à la création d’un état-major projetable, en mettant à disposition des actions de formation ou des conseillers politico-militaires; «20 000 soldats africains peuvent être entraînés chaque année par la France» pendant cinq ans, a affirmé le président. La mise en œuvre de la CARIC est envisagée pour 2015, sous réserve des questions de financement.
Comme ce fut le cas lors de l’intervention au Mali, la France plaide aussi pour que l’Union européenne s’implique davantage dans le dossier sécuritaire. «La sécurité de l’Afrique, c’est aussi celle de l’Europe», répètent les dirigeants français. Ils mettent en avant une «proximité» géographique et des menaces communes, le terrorisme, la piraterie maritime, les trafics de drogue, d’armes ou d’êtres humains. En ouverture du sommet, le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, et le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, ont annoncé un soutien à la Misca à hauteur de 50 millions d’euros et 20 millions d’euros d’aide humanitaire.
Les participants insistent enfin sur ce point: il ne peut y avoir de développement sans sécurité, ni de sécurité sans développement; la stabilité et la paix sont des conditions indispensables à la croissance. Mercredi, à Bercy, une journée de conférence a permis de mettre en contact des dirigeants économiques et politiques français et africains; ce samedi matin, une session de travail est consacrée aux partenariats économiques et au développement.
François Hollande: «20 000 soldats africains peuvent être entraînés chaque année par la France»