Sans charisme, taciturne, un nom impossible à retenir. On connaissait mal Umaru Yar’Adua, le treizième président du Nigeria. Il avait disparu de la scène politique depuis novembre 2009 et entretenu le mystère. Son retour au pays après une hospitalisation de trois mois en Arabie Saoudite – un cas sévère de péricardite – n’avait pas été annoncé. Son état de santé était resté si secret que son successeur Goodluck Jonathan a reconnu n’avoir même pas été autorisé à lui rendre visite.
Umaru Yar’Adua est élu président en avril 2007 dans un contexte difficile. Pendant la campagne électorale, il doit quitter le pays pour se faire soigner en Allemagne. Ses deux poursuivants n’acceptent pas les résultats de l’élection, l’accusent de fraude. Mais pour la première fois dans l’histoire du pays, un civil succède démocratiquement à un autre civil. Une note d’espoir alors que le Nigeria reste ravagé par la corruption et les tensions ethniques et religieuses.
Le nouveau président promet de s’attaquer à ces problèmes et commence fort. Il déclare publiquement ses biens (ce qu’il avait déjà fait à deux reprises quand il était gouverneur), une première pour un président nigérian. Il s’attire du coup les faveurs de la communauté internationale. Mais la corruption reste endémique. La lenteur de ses réformes lui vaut le surnom de «Baba Go-Slow», en référence aux embouteillages des villes du pays. Il a plus de succès dans le delta du Niger, cœur de l’industrie pétrolière et gazière, où il rencontre les leaders des rébellions et propose une amnistie qui conduit des milliers de miliciens à déposer les armes.
«Il était un politique honnête, ce qui manque au Nigeria, selon Philippe Sébille-Lopez, spécialiste de la géopolitique du pétrole. Il aurait pu en être l’homme providentiel, car il avait sincèrement l’intention de normaliser la vie politique, d’endiguer la corruption et de régler la question de l’électricité. Mais il n’en a pas eu le temps, en raison des jeux politiques et de sa santé.» Depuis son élection, il a effectué au moins quatre séjours de soins à l’étranger.
Barack Obama, d’habitude sévère avec les politiciens africains, était lui aussi convaincu: «Nous nous souviendrons avec respect de sa profonde intégrité personnelle et de son profond engagement pour le service public», a-t-il affirmé. Umaru Yar’Adua sera enterré dans l’Etat de Katsina d’où il est originaire, alors que le pays entame sept jours de deuil.