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Le deuil sanglant de Garang menace la paix

Malgré une accalmie, la violence consécutive à la mort de l'ex-chef rebelle sudiste inquiète.

Le Soudan en proie à ses vieux démons. Malgré la multiplication des appels au calme, les émeutes consécutives à l'annonce de la mort de John Garang ont fait exploser la violence: 130 morts en quatre jours, depuis le début du deuil sanglant des partisans de l'ex-chef rebelle. Les émeutes ont éclaté lundi à Khartoum après la confirmation de la mort du vice-président John Garang, l'ancien chef de la rébellion sudiste et figure clé du fragile processus de réconciliation nationale.

Les violences – les pires qu'aient jamais connues Khartoum – se sont apaisées dans le centre de la capitale soudanaise. Mais le calme tardait hier à revenir en périphérie. Comme Juba et Malakal (deux villes situées au sud du pays), les faubourgs de Khartoum demeurent instables. Le dernier bilan des émeutes, établi par le Croissant-Rouge soudanais, fait état de 111 morts à Khartoum, 13 à Juba et 6 à Malakal. Au total, plus de 400 personnes auraient été blessées.

Malgré la menace qui pèse sur le fragile processus de paix à peine installé, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) présent sur place se voulait rassurant: «La tension est encore perceptible, mais le calme semble revenir, malgré les rumeurs, disait Lorena Brander, la porte-parole de l'organisation humanitaire jointe à Khartoum. La population est pour la plupart consciente de la menace qui pèse sur le processus de paix. Les gens engagés dans ce processus continuent d'afficher la volonté très claire de travailler pour la paix.» Sans avoir déclenché de plan d'évacuation, le CICR a lancé des mesures de prévention: les familles des délégués ont été envoyées à Nairobi, au Kenya, «par précaution».

Les Soudanais se demandaient jeudi si les violences interethniques ne risquaient pas d'entraver le processus de paix. Pour le directeur du quotidien indépendant Khartoum Monitor, Alfred Taban, un sudiste, les violences «auront certainement un effet contraire sur le processus de paix», a-t-il déclaré à l'Agence France-Presse. Une opinion identique a été émise par Bekri Mulah, un analyste politique nordiste, pour qui «les incidents endommageront certainement la coexistence entre le nord et le sud». Les violences ont révélé que davantage d'efforts étaient nécessaires pour préserver l'unité du pays, a estimé Alfred Taban. «Ces troubles ont servi de révélateur à la division du Soudan entre nord et sud», a dit le journaliste, indiquant que «les deux parties n'oublieront pas les incidents».

Tournée posthume

Comme le Conseil national, le parti du président Omar al-Béchir, le Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM) que dirigeait John Garang a vivement condamné les violences. Les deux forces politiques ont renouvelé leur engagement en faveur de la paix. De la base de New Site, où les derniers hommages étaient rendus à John Garang, son successeur, le général Salva Kiir, a appelé les deux parties à la retenue. Le président Al-Béchir a nommé hier Salva Kiir au poste de premier vice-président du Soudan. La veille, il était déjà devenu le nouveau président du SPLM, pour succéder à John Garang.

Le cercueil de John Garang a par ailleurs entamé hier une tournée posthume, ultime voyage de l'emblématique dirigeant sudiste dans des villes symboles de sa lutte. Il sera enterré samedi à Juba, la «capitale» du sud où environ 1000 hommes de l'armée sudiste se sont déployés. Le SPLM qu'il dirigeait s'est battu pendant plus de vingt et un ans dans le sud du Soudan, animiste et chrétien, contre le gouvernement central, qui représentait la majorité arabo-musulmane, jusqu'à l'accord de paix signé en janvier dernier.