L’opposition ukrainienne a appelé samedi à une grève générale et à «renverser» le pouvoir, après la dispersion violente de manifestants qui occupaient le centre de Kiev. De nouvelles manifestations sont prévues dimanche à la mi-journée.

«Ne quittez pas la rue tant que le régime ne sera pas renversé par des moyens pacifiques», a déclaré l’opposante emprisonnée Ioulia Timochenko. L’ancienne Premier ministre, qui purge une peine de sept ans de prison et dont l’Union européenne a réclamé la libération, a exhorté les Ukrainiens à «se lever contre la dictature».

Samedi à l’aube, les forces anti-émeute ont dispersé par la force un millier de manifestants qui occupaient la Place de l’Indépendance au centre de la capitale. Les manifestants dénonçaient la volte-face du président Viktor Ianoukovitch, qui a refusé vendredi de signer un accord d’association avec l’UE, en préparation depuis des mois, et qu’ils accusent de renvoyer le pays dans les bras de la Russie.

Equipés de casques et de boucliers, les policiers ont tiré tout d’abord des grenades assourdissantes en direction de la foule, puis sont intervenus à coup de matraques pour les chasser des lieux, poursuivant certains manifestants dans les rues avoisinantes.

Interpellations pour «hooliganisme»

«La manifestation a été dispersée de manière sauvage», a dénoncé sur Twitter le député Andreï Chevtchenko, selon lequel il y a eu «des dizaines» de blessés et d’interpellations. Un responsable des services d’urgence de la ville, Anatoli Verchigora, a de son côté fait état de «35 personnes (qui) ont dû recevoir des soins».

La police a affirmé avoir fait évacuer la place pour permettre la préparation des fêtes de fin d’année et a confirmé l’interpellation de 31 personnes, «pour hooliganisme et refus d’obtempérer». La plupart d’entre elles ont été relâchées par la suite, selon la même source.

Vendredi, quelque 10’000 manifestants s’étaient rassemblés sur la place de l’Indépendance en accusant le président Ianoukovitch d’avoir «anéanti leur rêve» d’un rapprochement avec l’Union européenne. Quelques incidents s’étaient déjà produits entre les manifestants pro-européens et les policiers.

Et samedi soir, environ 10’000 personnes, selon l’estimation d’un correspondant de l’AFP, étaient de nouveau rassemblées sur la place Mikhaïlovskoe, pas très loin de la Place de l’Indépendance.

«Stopper» Ianoukovitch

Dans un discours publié sur son site internet, Viktor Ianoukovitch s’est dit «profondément révolté» par les violences et a demandé l’ouverture d’une enquête pour identifier les responsables, sans mettre en cause spécifiquement les forces de l’ordre.

Le Premier ministre Mykola Azarov s’est quant à lui dit «indigné» et a annoncé avoir ordonné une enquête. «Le pouvoir n’a pas intérêt à ce que les événements prennent cette tournure», a-t-il déclaré, cité par son porte-parole.

Mais les dirigeants de l’opposition, qui se sont réunis samedi pour décider de leur stratégie après une semaine de manifestations, ont dénoncé un durcissement du régime et exigé «la démission du gouvernement et du président, des élections présidentielle et législatives anticipées».

«Après avoir refusé de signer l’accord d’association, Ianoukovitch a décidé qu’il était autorisé à commettre tous les crimes contre son propre peuple», a déclaré le chef du parti Oudar, Vitali Klitschko. «S’il n’est pas stoppé aujourd’hui, l’Ukraine deviendra un Etat policier sauvage et une source d’instabilité au centre de l’Europe», a-t-il ajouté.

Appel à l’UE

Les chefs des trois principales formations d’opposition devaient rencontrer samedi «tous les ambassadeurs de l’Union européenne» à Kiev.

«Nous nous adressons à nos partenaires occidentaux: le temps des discussions est fini», a déclaré un dirigeant du parti de Mme Timochenko, indiquant que l’opposition avait pris la décision de former «un état-major de résistance nationale» et même de «préparer une grève générale».

Les Etats-Unis ont condamné la dispersion des manifestants. L’Union européenne a dénoncé à son tour «le recours à la force contre des manifestants pacifiques» et indiqué «suivre attentivement» la situation.