Doutes sur la sincérité des engagements chinois
Environnement
Le WWF se dit prudent sur la portée contraignante d’un accord à Paris, Greenpeace pointe la course au charbon qui continue

Ces jours-ci à Pékin, il est difficile de croire que la Chine a vraiment pris le tournant des énergies vertes. La visibilité n’excède parfois pas 200 mètres. Sur le web, les habitants déversent un flot d’images qui témoignent de la pire pollution de l’air depuis le début de l’année, de l’aveu même des médias officiels. Des parents s’indignent que l’alerte rouge n’ait pas encore été sonnée, permettant aux enfants de rester à la maison.
L’attitude du premier pollueur de la planète a pourtant radicalement changé depuis l’échec de la conférence de Copenhague en 2009, un échec qui lui a été en bonne partie attribué. Cet été, la Chine a publié des objectifs de réduction de ses émissions polluantes et une feuille de route pour les atteindre. Ses annonces ont été saluées de toute part, même dans les milieux écologistes. Le mois dernier à Pékin, le président Xi Jinping et François Hollande se sont entendus pour «parvenir à un accord juridiquement contraignant» lors de la conférence de Paris.
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155 centrales au charbon
Ces annonces réjouissent Lu Lunyan. La directrice du programme Climat et énergie du WWF en Chine juge que la déclaration commune avec le président français fut «un bon signe». Car «la contrainte juridique est nécessaire pour atteindre l’objectif d’une hausse de la température inférieure à 2C», selon elle. Cependant, «la Chine n’est pas encore prête à assumer les conséquences de cette contrainte» lorsqu’elle devra vraiment s’appliquer, redoute Lu Lunyan. Des conséquences non seulement économiques, mais aussi pour la souveraineté du pays. Il faudra donc «voir dans le détail» comment un réel contrôle pourra être exercé, avertit la responsable du fonds de protection de la nature.
Une autre ONG doute de la parole chinoise. Greenpeace a calculé que le 13e plan quinquennal chinois, qui sera adopté début 2016, pourrait conduire à dépenser 700 milliards de renminbi (113 milliards de francs) dans le charbon, principale source d’émissions de gaz à effet de serre. «La Chine doit appuyer sur les freins [car] ce secteur est hors de contrôle», demande Greenpeace. L’organisation environnementale a calculé que la construction de 155 nouvelles centrales électriques au charbon a été approuvée cette année, soit «quatre par semaine». La moitié d’entre elles seraient situées dans des régions où l’eau manque.
Problème statistique
Cette course à la production, alors que paradoxalement la demande faiblit, résulte d’une réforme administrative décidée par Pékin, avance Greenpeace. Pour simplifier les procédures, le gouvernement central a décidé de confier aux provinces l’autorité d’approbation des nouveaux chantiers énergétiques. Or, pointe Greenpeace, les responsables locaux continuent de voir dans la construction des centrales un moyen rapide pour soutenir une croissance chancelante.
Enfin, le mois dernier, la révision à la hausse de la consommation de charbon depuis l’an 2000 (17% de plus par année, soit ce que brûle l’Allemagne) a jeté un autre doute. Les officiels chinois n’ont pas encore clarifié si les objectifs de réduction des émissions, annoncés en juin, tiennent compte de cette nouvelle statistique.