Riyad critiqué après le drame de La Mecque

Moyen-Orient Une bousculade à Mina a fait au moins 720 morts

L’Iran accuse l’Arabie saoudite «d’irresponsabilité»

Est-ce la catastrophe de trop pour l’Arabie saoudite, la gardienne des lieux saints de l’islam? Au moins 720 pèlerins ont perdu la vie et davantage ont été blessés jeudi dans une énorme bousculade à Mina, à quelques kilomètres de La Mecque. La foule se rendait vers des stèles, représentant Satan, pour y jeter symboliquement des pierres. Près de 2 millions de visiteurs avaient convergé vers la ville sainte pour le hadj, le grand pèlerinage annuel, l’une des cinq obligations des musulmans.

Ce carnage intervient dix jours après la chute d’une grue sur le chantier de la Grande Mosquée de La Mecque, qui avait fait 109 victimes. La monarchie saoudienne est plus que jamais sous le feu des critiques. «Le roi est le serviteur des deux premiers lieux saints de l’islam, La Mecque et Médine. C’est sa première tâche», explique Hasni Abidi, directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen (Cermam).

Le coup est d’autant plus rude qu’il s’agissait de la première saison de pèlerinage pour le nouveau roi Salman et le jeune prince héritier Mohammed Ben Nayef, ministre de l’Intérieur. Le drame intervient dans une période très délicate pour le royaume, qui est engagé dans une guerre au Yémen. Quelques heures après le drame, le grand rival iranien a ouvert les hostilités, dénonçant «l’irresponsabilité» des autorités saoudiennes. Selon Téhéran, au moins 89 pèlerins iraniens ont été tués hier à Mina. Les chiites, majoritaires en Iran, sont aussi soumis à l’obligation du hadj.

Le prince héritier saoudien a annoncé l’ouverture d’une enquête sur les causes du drame, qui n’est pas le premier du genre mais le pire depuis vingt-cinq ans (lire l’encadré). Mais des responsables saoudiens accusaient d’ores et déjà un groupe de pèlerins de n’avoir pas respecté les horaires de sécurité, entrant en collision avec la foule en sens inverse. D’autres pointaient des pèlerins de «nationalité africaine». «Les gens grimpaient les uns sur les autres juste pour respirer», a raconté un Egyptien à l’Associated Press.

L’organisation du hadj est un cauchemar logistique. Le pèlerinage dure cinq jours. Les fidèles marchent des kilomètres pour accomplir une série de rituels. La journée d’hier était considérée comme la plus dangereuse. Des témoins ont rapporté que de nombreux pèlerins étaient déjà épuisés et déshydratés avant le drame. D’autres bousculades meurtrières avaient eu lieu non loin des stèles. «Beaucoup de fidèles sont illettrés et ne comprennent pas l’arabe. Ce pèlerinage est le fruit des économies qu’ils ont fait toute leur vie», décrit Hasni Abidi. Il n’empêche. «Après la chute de la grue, les autorités saoudiennes ont assuré qu’elles avaient pris toutes les mesures nécessaires», pointe le chercheur. Il n’y a pourtant que l’Iran qui critique ouvertement l’Arabie saoudite.

Les pèlerins iraniens, que Téhéran voudrait plus nombreux, sont l’objet d’une surveillance attentive des forces de sécurité saoudiennes. Il leur est notamment interdit d’exhiber des drapeaux iraniens. En 1987, ils avaient été durement réprimés après une manifestation. Des événements qui s’étaient soldés par plus de 400 morts.

Chaque pays musulman est soumis à des quotas de pèlerins. Leur taille a déjà été réduite et l’Arabie saoudite a investi sans compter pour améliorer l’accès aux lieux saints. Le chantier de la Grande Mosquée en est un malheureux exemple. «Il faudrait allonger le temps requis pour accomplir tous les rituels. Mais c’est aussi une question théologique», prône Hasni Abidi. Afin que le pèlerinage cesse d’être une course meurtrière.

«Les gens grimpaient les uns sur les autres juste pour respirer», raconte un pèlerin égyptien