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Le droit d’asile s’invite dans la campagne

Les manifestations de néonazis à l’est de Berlin contre l’ouverture d’un centre d’hébergement pour des réfugiés, syriens notamment, relancent le débat sur l’accueil des requérants d’asile. Ceux-ci, de leur côté, réclament davantage de droit

Manifestation de l’extrême droite à Berlin mardi contre l’ouverture d’un centre d’hébergement. — © AP
Manifestation de l’extrême droite à Berlin mardi contre l’ouverture d’un centre d’hébergement. — © AP

Des crânes rasés beuglant leur haine, un salut hitlérien, des discours racistes d’extrémistes devant les supermarchés, 250 policiers pour éviter une escalade de la violence… Les manifestations en ce début de semaine dans le quartier de Hellersdorf, à l’est de Berlin, contre l’ouverture d’un centre de requérants d’asile ont lieu exactement vingt et un ans après les émeutes racistes de Rostock, un événement qui reste gravé comme un jour de honte pour l’Allemagne réunifiée. A l’époque, la population avait encouragé des néonazis à mettre le feu à un centre de réfugiés. La police n’était pas intervenue.

Mais Hellersdorf n’est pas Rostock. Du moins, pas pour l’instant. Cette fois, la police a protégé les réfugiés contre les agresseurs et des contre-manifestants ont fustigé le néonazisme, véritable plaie de la politique allemande: les habitants sont venus pour s’opposer à la haine d’extrême droite. Et ils étaient nombreux dans ce quartier où les affiches du parti néonazi NPD recouvrent des avenues entières avec des slogans xénophobes. «Bon retour!», est l’un de leurs «thèmes» de campagne, illustré par un musulman sur un tapis volant.

A un mois des élections fédérales, les responsables politiques essayent de minimiser l’événement pour ne pas attiser les tensions. Aucun parti ne souhaite se lancer dans un débat où les extrêmes sortiraient gagnants. «Leur devise a toujours été la même: de beaux discours, pas de faits», critique le quotidien Süddeutsche Zeitung.

Les débordements de Berlin, avec des blessés mardi soir, ne sont pas le fruit du hasard. L’Allemagne fait face à un nouvel afflux de réfugiés venus de Syrie, d’Afghanistan et de Serbie. Le nombre de demandeurs d’asile a triplé en cinq ans. Ils étaient plus de 64 000 en 2012 contre moins de 20 000 en 2007. Et on s’attend à un pic de 100 000 réfugiés pour cette année, selon l’Office fédéral des migrations et des réfugiés (BAMF).

Les demandeurs d’asile ne sont pas seulement victimes d’agressions. Ils manifestent aussi dans toute l’Allemagne pour réclamer plus de droits. Ils organisent des camps de protestations devant la gare de Hambourg, la Porte de Brandebourg à Berlin. Ils organisent des marches à travers tout le pays. Les plus désespérés se lancent dans des grèves de la faim. Tous ces réfugiés réclament le droit de travailler et de bénéficier de plus de liberté de mouvement.

Mais les politiques ne semblent pas s’intéresser à leur sort. Bien que les juges de la Cour constitutionnelle aient réclamé en 2012 une amélioration des conditions d’accueil des réfugiés, aucune mesure n’a encore été prise par le gouvernement et l’opposition est restée muette sur le sujet. Même les écologistes, qui ont toujours fait du droit d’asile un thème de campagne, n’ont pas abordé le sujet pour cette élection.

Tandis que le ministre de l’Intérieur, Hans-Peter Friedrich, parle de chiffres alarmants pour le mois de juillet (+112%) et que son parti, la CSU bavaroise, réclame une réunion urgente avec les communes chargées de l’accueil, les autres partis se refusent à parler de «crise». «Nous sommes très loin de la situation de 1990», tente de rassurer Katrin Göring-Eckardt, l’une des deux têtes de liste écologistes au scrutin du 22 septembre. Après la guerre en ex-Yougoslavie, le nombre des demandeurs d’asile atteignait en effet près de 130 000 par an en Allemagne.

Les associations d’aide aux réfugiés craignent une récupération de l’extrême droite et un mouvement de panique à l’approche des élections. «Nous devons absolument éviter un débat émotionnel sur cette question car l’Allemagne est capable de canaliser le nombre actuel des réfugiés», estime Günter Burkhardt, président de l’association Pro Asyl. L’Allemagne n’a pas anticipé cet afflux et se retrouve face à des difficultés pour trouver actuellement des lieux d’hébergement répartis d’une façon équitable sur l’ensemble du territoire.

Contrairement à une idée répandue qui fait dire aux Allemands que leur pays serait la destination numéro un des réfugiés, l’Allemagne est très loin derrière l’Italie, la Grèce ou Malte en matière d’accueil. Selon les statistiques européennes, elle est au milieu du tableau avec moins d’une demande pour 1000 habitants. Mais cet argument n’intéresse pas les néonazis…

Le nombre des demandeurs d’asile a triplé en cinq ans. En 2013, un pic de 100 000 réfugiés