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Emmanuel Macron au Rwanda: une reconnaissance de la responsabilité de la France, mais pas d’excuses

En visite à Kigali, le président français est resté fidèle à sa ligne d’un devoir de mémoire mais sans repentance. En 1994, la France avait soutenu jusqu’au bout le régime génocidaire

Le président français visite le mémorial de Kigali, le 27 mai 2020. — © Ludovic MARIN/AFP
Le président français visite le mémorial de Kigali, le 27 mai 2020. — © Ludovic MARIN/AFP

Le discours d’Emmanuel Macron ce jeudi au mémorial du génocide des Tutsis à Kigali était très attendu, et le moindre mot pesé. La visite du président français doit ouvrir un nouveau chapitre dans les relations entre les deux pays, empoisonnées depuis 27 ans par le soutien indéfectible de la France au régime génocidaire.

«La France a un rôle, une histoire et une responsabilité politique au Rwanda», elle est restée «de fait aux côtés d’un régime génocidaire», a déclaré Emmanuel Macron, dans son discours d’une quinzaine de minutes. Le président français n’a toutefois pas présenté d’excuses aux Rwandais. Seules les victimes peuvent «nous faire le don du pardon», a-t-il toutefois nuancé, même si les tueurs de 1994 «n’avaient pas le visage de la France». Et de poursuivre: «La France n’a pas été complice» du génocide contre les Tutsis qui a fait 800 000 morts au printemps 1994.

Lire: «Entre la France et le Rwanda, la politique des petits gestes»

Emmanuel Macron a parlé de la «responsabilité accablante» de l’Etat français. Il a ainsi repris mot pour mot la conclusion de la commission des historiens menée par Vincent Duclert, qu’il avait mandatée. La France avait toutefois des circonstances atténuantes, a tenté d’expliquer Emmanuel Macron. Selon lui, Paris voulait éviter l’engrenage de la guerre civile mais n’a pas compris la mise en place d’une mécanique génocidaire et a ignoré les mises en garde des observateurs les plus lucides.

«Nous avons abandonné des centaines de milliers de victimes»

Après que les massacres ont commencé le 7 avril 1994, la France n’est pas la seule à avoir tardé à agir, a estimé le président. «La communauté internationale a mis trois mois à réagir. Nous avons tous abandonné des centaines de milliers de victimes à cet infernal huis clos.»

Emmanuel Macron a promis que le travail de recherche historique sur cette page sombre de l’histoire française se poursuivrait. Il s’est aussi engagé à ce qu’aucun présumé génocidaire réfugié en France «n’échappe au travail des juges». Le Rwanda affirme que des dizaines de suspects résident en France, tout comme dans d’autres pays européens.

Lire aussi: «Sans justice, nous ne pourrons tourner la page du génocide au Rwanda»

Le président français a donc fait un pas supplémentaire par rapport à son prédécesseur Nicolas Sarkozy qui, dans le même lieu en 2010, avait évoqué de «graves erreurs d’appréciation» de la France. Le discours s’adressait avant tout aux Rwandais. Mais Emmanuel Macron est en campagne pour sa réélection, dans moins d’un an. Il est ainsi resté fidèle à sa ligne d’un devoir de mémoire, exercice aussi pratiqué sur la guerre d’Algérie, mais sans repentance, qui serait perçue, par une partie de l’opinion française, comme un aveu de faiblesse.

Lire enfin : Génocide des Tutsis: le Rwanda enfonce le clou contre la France

(afp) Paul Kagame salue le discours d'Emmanuel Macron, qui a «plus de valeur que des excuses»

Le discours tenu jeudi par Emmanuel Macron au mémorial du génocide de 1994 à Kigali était un acte d'«immense courage». Il a «plus de valeur que des excuses», a déclaré le président rwandais Paul Kagame lors d'une conférence de presse commune.

En ouverture de leur conférence de presse commune au palais présidentiel de Kigali, le président Kagame a salué le «discours puissant, avec une signification particulière» de son homologue. «Ses paroles avaient plus de valeur que des excuses. Elles étaient la vérité», a-t-il dit, évoquant le «courage immense» de M. Macron.

«Cette visite parle du futur, pas du passé. La France et le Rwanda vont beaucoup améliorer leurs relations au bénéfice de nos peuples, économiquement, politiquement et dans le domaine de la culture», a-t-il également affirmé.

«Mais la relation entre nos deux pays ne sera jamais totalement conventionnelle. Il y a une familiarité particulière qui résulte de la terrible et complexe histoire que nous partageons, pour le meilleur et pour le pire. Nous souhaitons créer une relation forte et durable, fondée sur des priorités qui comptent pour nous deux, France et Rwanda», a-t-il ajouté.