Le président français a commencé par mettre en avant le «parcours démocratique» de la réforme et sa dernière étape à venir selon lui: la décision du Conseil constitutionnel. Puis, l’entrée en application qu’il veut voir avant la fin de l’année. Il a ensuite répété les raisons économiques de cette réforme, absolument nécessaire selon lui, à qui elle «ne fait pas plaisir». Il ne pense pas l’avoir mal expliquée mais regrette – son seul regret – qu’elle n’ait pas été comprise et «de ne pas avoir réussi à convaincre sur sa nécessité». Pour lui, la crise est liée au fait que «le projet de toutes les oppositions, c’est le déficit», «une tendance à vouloir s’abstraire au principe de réalité».
Quant à la question du passage en force parlementaire via l’article 49.3 de la Constitution et le rejet de la censure du gouvernement à seulement neuf voix près, il y a répondu: «nous sommes en République à une voix près» et «il n’y a pas de majorité alternative». La première ministre Elisabeth Borne devra cependant «bâtir un programme de gouvernement» et «élargir» la majorité. Les priorités? L’école, la santé et l’écologie. Quant à la loi immigration qui a été retirée de l’agenda, elle sera découpée en plusieurs textes, ce qui déplaît à la droite, sa seule alliée potentielle.
«Endosser l’impopularité»
«Je ne cherche pas à être réélu, entre le sondage et l’intérêt général du pays, je choisis l’intérêt général», a aussi lancé Emmanuel Macron en affirmant qu’il «endossait l’impopularité». La méthode est assumée: «On va continuer à avancer à marche forcée.»
Le président a ensuite regretté «qu’aucune force syndicale n’ait proposé un compromis». «On nous a dit «aucune réforme!»», affirme-t-il. Les leaders syndicaux, y compris les plus modérés, n’ont pas tardé à traiter le président de menteur sur ce dernier point. «Déni et mensonge! La CFDT a un projet de réforme des retraites. Macron 2019 l’avait compris […] Macron 2023 refait l’histoire et ment […] pour masquer son incapacité à trouver une majorité pour voter sa réforme injuste», a tweeté, très remonté, le patron de la CFDT Laurent Berger, personnage jugé le plus important dans le basculement des syndicalistes dits réformistes dans l’opposition musclée à la réforme du gouvernement.
Déni et mensonge ! La CFDT a un projet de réforme des retraites.
— Laurent Berger (@CfdtBerger) March 22, 2023
Macron 2019 l’avait compris il avait repris notre ambition d un système universelle.
Macron 2023 refait l histoire et ment sur @cfdt pour masquer son incapacité à trouver une majorité pour voter sa réforme injuste
Emmanuel Macron a enchaîné en affirmant «entendre la colère légitime» d’une grande partie de la population et s’engager à y répondre par des réformes sur le travail et la participation des grandes entreprises faisant des profits exceptionnels. Des chantiers à ouvrir car il y a «un besoin de justice». Le sens du travail, les petits salaires, l’usure professionnelle et les fins de carrière seront remis sur la table des négociations, a-t-il promis dans une déclaration d’amour pour le dialogue social – qui a été mis à mal ces derniers mois.
Emmanuel Macron annonce "une contribution exceptionnelle" sur "des profits exceptionnels" pic.twitter.com/r33xSaoG9K
— BFMTV (@BFMTV) March 22, 2023
La gauche n’a cependant pas du tout été convaincue par cette prise de parole. «C’est hallucinant, il est dans un déni absolu», a déclaré le premier secrétaire du PS Olivier Faure. «Je crains qu’il n’ait mis plus d’explosif sur un brasier déjà bien allumé», a-t-il ajouté. Marine Le Pen, elle, a affirmé qu’elle voyait dans les réponses du président un mépris des Français et du parlementarisme qui débouchera selon elle bientôt sur une dissolution. Eric Ciotti, le président des Républicains qui devaient voter avec le camp présidentiel sur cette réforme mais dont les divisions ont posé problème, a quant à lui estimé que les solutions proposées par Emmanuel Macron dans cette intervention n’étaient «pas à la hauteur de la crise politique et économique» que vit la France.
Avant cela, mardi, le président français avait passé une grande partie de sa journée à consulter: les chefs de sa majorité, les députés de son camp, les grandes figures de la République. «Pas de dissolution, pas de remaniement, pas de référendum», aurait-il dit. Et dans le bouquet des fuites bien orchestrées issues de cette journée de consultations, on évoquera aussi un appel à idées pour un «changement de méthode et d’agenda des réformes», une nouvelle prise de parole plus solennel dans les semaines ou mois qui viennent et, surtout, cette petite phrase, maladroitement tirée de son contexte ou volontairement clivante, quoi qu’il en soit très polémique: «La foule, quelle qu’elle soit, n’a pas de légitimité face au peuple qui s’exprime souverain à travers ses élus.» Emmanuel Macron a tenu à «clarifier» ce qu’il voulait dire par là: «Les syndicats ont une légitimité, je les respecte» mais «à côté de ça, quand des groupes utilisent une extrême violence» là ce n’est plus légitime pour lui qui y voit le spectre des «factieux», des «factions» et de l’envahissement du Capitole à Washington. Pas de quoi calmer les plus remontés. Peut-être de quoi faire réfléchir les autres.
"Quand les USA ont vécu ce qu'ils ont vécu au Capitole, quand le Brésil a vécu ce qu'il a vécu, (...) il faut dire 'on respecte, on écoute' (...) mais on ne peut accepter ni les factieux ni les factions'"#Macron vient de comparer les manifestations à l'attaque du Capitole 😳 pic.twitter.com/icb5SALjux
— Antoine Llorca (@antoinellorca) March 22, 2023