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Neuf votes africains
Dans le même temps, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et quelques pays nord-européens initient un texte qui «prend note» du rapport Bachelet et «décide» d’organiser un débat sur le Xinjiang lors d’une prochaine session, en février 2023. Deux phrases pour faire vivre ce dossier. Il ne s’agit pas d’une résolution à proprement parler, l’outil habituel de discussion du Conseil, mais d’une «esquisse» («draft decision»). Une formule atténuée qui ne convainc pas davantage la Chine. Quelques jours plus tard, son ambassade organise une conférence de presse pour annoncer que si les «Occidentaux» vont de l’avant, elle est «prête à se battre». Car il s’agit bien d’un combat qui s’engage sur un texte qui doit obtenir la majorité des 47 Etats qui composent le Conseil des droits de l’homme.
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«Les Etats africains détiennent la clé de ce vote. Ils peuvent choisir de protéger le gouvernement chinois ou de protéger les victimes de la répression chinoise, explique Nicolas Agostini, représentant de l’ONG africaine DefendDefenders auprès de l’ONU. Le Conseil est en effet composé de groupes géographiques qui, s’ils ne votent pas de manière homogène, sont toutefois sous l’influence de leaders, de grands Etats dotés d’une diplomatie expérimentée. Avec 13 membres, un quart des sièges, l’Afrique est le groupe le plus important. «Si neuf membres africains du Conseil ou davantage votent non, alors le projet de résolution sur la Chine sera défait. Si plusieurs s’abstiennent, la résolution a une chance de passer», précise Nicolas Agostini, qui présentait, il y a peu, une étude sur le vote des Etats africains au Conseil des droits de l’homme.
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«Pas une question de religion»
«C’est en consultation, on y travaille, explique l’ambassadeur du Sénégal Coly Seck. Il y a beaucoup d’éléments à prendre en considération. Surtout pour une question aussi sensible.» L’ambassadeur réfute l’idée d’un vote africain. Tout comme le fait qu’un pays musulman pourrait être plus sensible au sort d’une minorité musulmane. «C’est une question de principe, de droits de l’homme, pas de religion.» L’Organisation de la coopération islamique (OCI), qui regroupe 57 Etats membres, ne s’est par exemple jamais prononcée sur la situation du Xinjiang. Quant à la question palestinienne, «il s’agit de savoir si c’est une colonisation ou pas». La colonisation est de fait un thème important pour les pays africains. Ce qu’a bien compris Pékin, qui laboure ce terrain depuis quelques années. L’an dernier, sa diplomatie faisait voter une résolution sur l’impact négatif de l’héritage colonial, s’assurant un large soutien. Cette semaine encore, lors d’une réunion sur ce thème, le représentant chinois, Li Song, a déclaré que «le colonialisme est le péché originel des Etats-Unis, du Royaume-Uni et d’autres pays occidentaux». Pour la Chine, rejointe par la Russie, le rappel de ce passé – compris de manière sélective – permet de contrer efficacement le discours opposant les démocraties aux autocraties.
L’enjeu du vote se vérifie à la présence en grand nombre des diplomates chinois au Palais des Nations. Il y a dix jours, leur ambassade a organisé une table de discussion sur «les progrès des droits de l’homme au Xinjiang» où l’on pouvait dénombrer une majorité de représentants d’Etats africains. Les pressions s’exercent au plus haut niveau, parfois jusqu’à la présidence des Etats. «Je ne suis pas très optimiste sur les chances du texte des Occidentaux. Je constate plutôt un alignement des pays africains sur la Chine», relève un observateur du Conseil des droits de l’homme. «Nous restons optimistes, note une source proche des discussions pour le soutien au texte occidental. Nous avons besoin d’une majorité simple.» Le vote est prévu pour jeudi.