Une foule escaladant les marches du parlement et se retrouvant nez à nez avec des policiers en sous-effectif. Avant les Américains mercredi, les Allemands avaient déjà assisté, incrédules, à une telle scène le 29 août dernier. Ce jour-là, des manifestants hostiles aux restrictions sanitaires liées à la pandémie avaient forcé les barrières entourant le Reichstag à Berlin. Ils n’avaient pu pénétrer dans le bâtiment. Mais l’insurrection qui a frappé cette semaine le Capitole alarme au plus haut point les responsables politiques allemands.

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Dans un courrier adressé à ses collègues et rendu public par Bild am Sonntag, le président du parlement évoque un renforcement du dispositif de protection. Wolfgang Schäuble explique avoir sollicité un compte rendu du Ministère des affaires étrangères concernant les événements de Washington «afin de clarifier, avec l’Etat fédéral et le land de Berlin, les conclusions à en tirer et de sécuriser» le parlement.

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Dans une Europe où les manifestations hostiles aux mesures sanitaires ne faiblissent pas, l’Allemagne fait figure de laboratoire. Très tôt après l’apparition de la pandémie, des rassemblements se sont multipliés, mêlant coronasceptiques, conspirationnistes et mouvances d’extrême droite.

Le spectre d’une «Corona-RAF»

L’inquiétude des autorités allemandes s’est aussi traduite dimanche par les propos du ministre-président de Bavière. Dans un entretien à Welt am Sonntag, Markus Söder alerte quant à l’émergence possible d’une «Corona-RAF», en référence à la Fraction Armée rouge. Cette organisation terroriste d’extrême gauche, aussi connue comme la «bande à Baader», est à l’origine d’une série d’attentats et d’enlèvements qui a marqué l’Allemagne entre la fin des années 1960 et le début de la décennie 1990.

«Les pensées méchantes se transforment en paroles méchantes, et, à un moment donné, en actes», affirme Markus Söder. Il s’inquiète de l’agressivité croissante d’un courant «qui pourrait devenir violent» et en appelle à l’intervention de l’Office pour la protection de la Constitution, le service de renseignement intérieur. «Nous devons non seulement améliorer les mesures de sécurité autour des institutions démocratiques, mais aussi observer plus fondamentalement les mouvements sectaires comme celui des «Querdenker» [«ceux qui pensent différemment», ndlr].»

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Apparu à Stuttgart, ce mouvement hostile aux restrictions sanitaires a essaimé dans tout le pays. En décembre, le land du Bade-Wurtemberg a décidé de mettre sa matrice, «Querdenken 711», sous surveillance. Son fondateur, l’entrepreneur Michael Ballweg, doute de l’existence de la pandémie. En août, son appel à manifester a réuni 40 000 personnes à Berlin. Selon les autorités wurtembergeoises, les liens entre les «Querdenker», les thèses complotistes de QAnon et certaines mouvances d’extrême droite comme les Reichsbürger – ces «citoyens du Reich» qui ne reconnaissent pas la République fédérale – traduisent une «radicalisation avancée».