Aux élections européennes, l’affrontement de deux philosophes
France
La tête de liste de la droite traditionnelle est un jeune philosophe catholique. Tandis qu’entre la gauche et les Verts, l’essayiste Raphaël Glucksmann veut imposer sa liste «Place publique»

Après le «Ni droite ni gauche» d’Emmanuel Macron, place à la politique version philosophie! Dans une France où le «Grand débat national» irrigue le pays de discussions entre élus et citoyens, deux intellectuels parisiens trentenaires se lancent à l’assaut des élections européennes du 26 mai. Le premier est François Xavier Bellamy, 33 ans, désigné la semaine dernière comme tête de liste pour Les Républicains, le parti de la droite traditionnelle dirigé par le président de la Région Rhône-Alpes-Auvergne, Laurent Wauquiez. Le second est Raphaël Glucksmann, 33 ans, essayiste et fils du «nouveau philosophe» André Glucksmann, décédé en 2015. La liste qu’il propose – il ne la conduira pas a priori – n’émanera pas d’un parti, mais d’un mouvement naissant, Place publique, positionné entre la gauche sociale-démocrate et les Verts.
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Deux philosophes face-à-face
Alors que les «gilets jaunes» – qui étaient encore près de 70 000 à manifester ce samedi – incarnent la France provinciale et «périphérique» des classes moyennes, délaissée par la métropole et asphyxiée par le manque d’opportunités économiques, Bellamy et Glücksmann semblent personnifier un pays aux antipodes: entre «cathos tradi» et «bobos» plutôt bien intégrés socialement.
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Le philosophe de droite, familier des colonnes du quotidien conservateur Le Figaro, anime chaque semaine les «soirées de la philo» dans un théâtre parisien et officie comme maire-adjoint de Versailles, où Emmanuel Macron a réuni, le 22 janvier, le gotha des patrons mondiaux pour son second sommet «Choose France» sur l’attractivité française. Raphaël Glucksmann a relancé l’an dernier Le nouveau magazine littéraire, avant de le quitter pour s’occuper de son mouvement dont il a esquissé le programme, mardi 29 janvier, à l’Elysée Montmartre, salle de spectacle parisienne prisée. Il est à la ville le compagnon de l’animatrice de France Inter Léa Salamé. Ses deux principaux lieutenants sont un économiste, Thomas Porcher, et une figure du combat écologique anti-lobbies à Bruxelles, Claire Nouvian. Place publique propose un rassemblement à gauche, hors France insoumise de Jean-Luc Mélenchon. Une convergence d’objectifs pourrait se dessiner avec Nicolas Hulot, l’ancien ministre démissionnaire de la Transition écologique – tout juste redevenu président d’honneur de sa fondation – et avec l’ancien candidat PS à la présidentielle Benoît Hamon.
«Parler d'idées»
A droite, François Xavier Bellamy sera épaulé par un élu qui connaît bien la Suisse, le député européen sortant Arnaud Danjean, ancré en Saône-et-Loire. Sa liste devrait avoir le label conservateur «pur et dur» d’inspiration sarkozyste, avec des figures telles que la tonitruante pasionaria lorraine de la droite Nadine Morano et les anciens ministres Rachida Dati et Brice Hortefeux. Le chemin apparaît tracé: valeurs et retour aux sources catholiques, familiales et bourgeoises pour séduire les déçus du macronisme et ceux qui ne veulent pas soutenir Marine Le Pen.
Du côté de Place publique, l’heure est encore au débat. Il s’agit, promet Raphaël Glucksmann, «de proposer une nouvelle offre» et de «parler d’idées». Point faible pour l’heure: les deux jeunes philosophes engagés ont une expérience limitée de l’Europe. Un argument qu’Emmanuel Macron, très engagé sur ce front, va sûrement faire valoir s’il solutionne la question pour lui la plus épineuse: qui, pour diriger la liste européenne de son parti La République en marche dont la majorité parlementaire est rudement secouée par les «gilets jaunes»?