Benoît Hamon sait ce que «frondeur» veut dire. Sitôt nommé ministre de l’Education dans le premier gouvernement de Manuel Valls, en avril 2014, le candidat socialiste à la présidentielle avait démissionné fin août, avant même la rentrée des classes, après le limogeage d’Arnaud Montebourg, accusé d’avoir ouvertement défié le président de la République, lors de sa «fête de la rose» en Saône-et-Loire.

Une similitude avec le refus de Manuel Valls de le soutenir aujourd’hui, tandis que le très influent ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, vient d’annoncer son ralliement à Emmanuel Macron? «Le Drian a hésité, explique un de ses conseillers. Mais il y a un moment où le sens de l’Etat, et celui de la fonction présidentielle, doivent signifier quelque chose. Or, durant ce quinquennat, Benoît Hamon a défié cette règle. Il n’a pas assumé. Il a préféré «fronder…»

Incarner la gauche post-Hollande

L’intéressé a bien sûr riposté, jugeant «inacceptable» cette dissidence du ministre-président de la région Bretagne (lui-même est originaire de Brest), qu’Emmanuel Macron pourrait décider de reconduire dans ses fonctions s’il est élu le 7 mai. Son entourage fait aussi remarquer que, lors de son grand meeting de Bercy, le dimanche 19 mars, d’autres ministres symboles du quinquennat écoulé étaient là, telle Najat Vallaud-Belkacem, qui lui succéda à l’Education, ou Christiane Taubira, l’ex-garde des Sceaux. Juste. Mais ni l’une ni l’autre ne sont considérées comme «rassembleuses» et capables d’incarner la gauche de gouvernement post-François Hollande.

Valls ne tend pas la main à Macron

Plus grave: l’équipe Hamon, inquiète de l’actuel coude-à-coude dans les sondages avec le candidat de la gauche radicale, Jean-Luc Mélenchon (entre 12 et 14% pour le premier tour du 23 avril), redoute le reflux lors des législatives des 11 et 18 juin. Le groupe socialiste, fort de 289 députés, devra déjà surmonter le départ d’environ 80 sortants – dont plusieurs ténors, comme le président de l’Assemblée, Claude Bartolone – qui ont décidé de ne pas se représenter. Il lui faudra, ensuite, retrouver le chemin de l’unité, si Benoît Hamon, non content de ne pas être élu à l’Elysée, perd sèchement au premier tour et se retrouve dès lors en difficulté pour imposer sa ligne au sein du PS. Une situation que le battu de la primaire Manuel Valls a anticipée, refusant pour l’heure de tendre la main à Emmanuel Macron et insistant pour que ses soutiens restent membres du PS. En attendant l’après-présidentielle…

Pour Benoît Hamon, l’impératif absolu est donc de devancer Jean-Luc Mélenchon. Un impératif compliqué par la très bonne prestation de ce dernier lors du premier débat télévisé, le 20 mars, sur TF1. Focus donc, pour le candidat socialiste porteur du projet de revenu universel d’existence et des propositions écologiques les plus avancées, sur un nouvel angle d’attaque: l’intégrité en politique. Conseillé par l’ancien procureur Eric de Montgolfier, Hamon compte présenter cette semaine une opération «mains propres», incluant la suppression de l’immunité parlementaire et la délivrance nécessaire pour tous les ministres d’un quitus fiscal avant leur entrée au gouvernement.

L’idée de cette offensive sur les conflits d’intérêts financiers est de coller au plus près du calendrier des «affaires». C’est ce mardi 28 mars que les juges doivent auditionner Penelope Fillon, dont la mise en examen constituerait un coup dur de plus pour le candidat de la droite. Elle vise surtout à essayer au maximum de creuser un fossé entre les caciques de l’aile droite du PS tentés par l’aventure En marche! derrière Emmanuel Macron, et la base, beaucoup plus récalcitrante, selon l’équipe de campagne de Benoît Hamon.

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Le candidat a notamment suscité, dès l’annonce du ministre de la Défense, un appel d’une centaine d’élus PS bretons qui regrettent sa dissidence «dans cette période folle, pleine d’incertitudes et de risques, dans un monde instable et dangereux, où les menaces de l’extrême droite et celle de la droite dure de François Fillon sont bien réelles». Objectif pour l’ex-frondeur: limiter les dégâts de cette «fronde»-là…