Boris Johnson, l’improbable retour du mort-vivant politique?
Grande-Bretagne
AbonnéLundi, les trois candidats à la succession de Liz Truss – Boris Johnson, Rishi Sunak et Penny Mordaunt – devront chacun avoir réuni 100 signatures de députés pour se présenter au poste de premier ministre
Les scénaristes d’une mauvaise série télévisée politique auraient-ils osé imaginer un tel improbable rebondissement? Seulement quatre mois après avoir été éjecté comme un malpropre de Downing Street par son propre parti, Boris Johnson espère effectuer un retour miraculeux. Samedi, les médias britanniques ont suivi à la trace l’arrivée à Londres de son avion venant des Caraïbes, où il était en vacances. L’ancien premier ministre britannique en est sorti débraillé, l’air visiblement fatigué. De loin, il a salué les photographes. Le message important était passé: Boris Johnson est candidat à la succession de sa propre successeure, Liz Truss, qui a elle-même annoncé jeudi sa démission après quarante-quatre jours catastrophiques à la tête du gouvernement britannique.
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Un jeu de poker menteur est désormais entamé. D’ici à lundi 14h (15h en Suisse), les candidats pour prendre la tête du Parti conservateur – et donc pour devenir premier ministre – devront avoir chacun rassemblé le soutien de 100 députés conservateurs (sur 357). Trois sont dans les starting-blocks. Rishi Sunak, qui était le chancelier de l’Echiquier de Boris Johnson, et est passé très près de lui succéder cet été; Penny Mordaunt, autoproclamée «candidate de l’unité», ancienne ministre de 2017 à 2019; et, donc, Boris Johnson, l’incontournable homme autour duquel tourne le Parti conservateur depuis le référendum pour le Brexit en 2016.
Moulin à rumeurs
Rishi Sunak est le grand favori. Selon le décompte de la BBC, dimanche à midi, 129 députés avaient déclaré leur soutien en sa faveur. Penny Mordaunt n’en aurait que 23, mais ne désespère pas d’un retournement de dernière minute. Et Boris Johnson? La BBC compte 53 soutiens déclarés, mais son propre camp, guère étouffé par les problèmes de la véracité des faits, affirme avoir dépassé la barre des 100 députés. Reste environ 150 députés qui n’ont pas fait connaître leur préférence.
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Pour ajouter au moulin à rumeurs, Boris Johnson et Rishi Sunak se sont rencontrés samedi soir. La relation entre les deux hommes est exécrable. Le second était le chancelier de l’Echiquier du premier pendant deux ans et demi, et ils s’affrontaient régulièrement sur les décisions budgétaires. Pire encore, c’est la démission de Rishi Sunak début juillet qui a précipité la chute de Boris Johnson. Cette trahison du charismatique leader lui a d’ailleurs valu la rancœur des militants conservateurs, qui adoraient le blond échevelé et ne voulaient pas d’un changement de premier ministre.
Que se sont dit les deux hommes? Les médias britanniques spéculent à vide sur un éventuel «deal». «Un deal qui consisterait en quoi?», s’étouffe Dominic Raab, ancien ministre et soutien de Rishi Sunak, qui n’imagine pas le favori se retirer de la course si près du but. L’élection des papes à l’époque des Médicis ne devait pas être bien différente des intrigues de palais de ces derniers jours.
Elections législatives anticipées?
Dans ces circonstances, Keir Starmer, le leader de l’opposition travailliste, a beau jeu d’appuyer là où ça fait mal. «Ce cirque chaotique à la tête du Parti conservateur est ridicule», tance-t-il. Une nouvelle fois, il réclame l’organisation d’élections législatives, confiant de sa large avance dans les sondages (le Labour est à 54% contre 21% pour les conservateurs en moyenne). Aucun des trois candidats, au sein des conservateurs, ne semble vouloir accéder à sa demande, les différents camps insistant au contraire sur la nécessité d’apporter une période de calme dans la politique britannique.
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La bataille se déroule sur fond de grave crise politique et économique. En quatre mois, le pays a connu le départ de deux premiers ministres et a vu se succéder quatre chanceliers de l’Echiquier. Le budget présenté par Liz Truss a provoqué un début de panique financière, avec une chute de la livre sterling au plus bas de son histoire face au dollar. Peu importe: la succession politique se joue intégralement au sein du Parti conservateur et le Parti travailliste n’a aucun moyen constitutionnel pour provoquer des élections anticipées.
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Tout le jeu sera d’atteindre la fameuse barrière des 100 soutiens. Il est possible qu’un seul candidat y parvienne, ce qui en fera automatiquement le nouveau leader conservateur. Si les trois dépassent ce niveau, les députés conservateurs voteront pour sélectionner les deux meilleurs. Pour Boris Johnson, atteindre cette étape sera le plus difficile. Ensuite, le vote reviendra aux quelque 160 000 membres du parti, par voie électronique. L’ancien premier ministre est sans doute leur favori, lui qui a su rassembler l’adhésion des militants brexiters à travers le Royaume-Uni.
Dans tous les cas, le résultat final doit être connu vendredi 28 octobre au plus tard. Avant d’entrer enfin dans une période un peu plus stable? Les scénaristes de la série peuvent déjà imaginer les prochains rebondissements.