Union européenne
Les leaders européens se sont réunis à la Valette pour leur premier sommet de l’année. La nouvelle administration Trump et le départ programmé du Royaume-Uni les obligent à se reconcentrer sur ce qui les unit

A peine remis du choc du Brexit, les Européens ont dû s’attaquer vendredi à Malte à un autre défi de taille: ne pas se laisser déstabiliser par le président américain Donald Trump qui a multiplié les piques à leur encontre depuis son arrivée au pouvoir et montrer que l’Union européenne peut elle aussi se penser comme grande puissance mondiale.
Un défi qu’ils ont d’autant plus besoin de relever qu’approche le sommet européen de Rome le 25 mars qui célébrera les soixante ans du Traité éponyme et qu’ils ne veulent surtout pas voir se transformer comme le symbole de leur échec à maintenir le projet européen.
Le «rôle global de l’UE»
Bousculés par les déclarations tonitruantes du président américain qui n’a pas hésité à qualifier l’UE de «véhicule de l’Allemagne» et a prédit un véritable succès aux Britanniques une fois partis, les Vingt-Huit ont tous exprimé hier leurs «préoccupations» sur «certaines décisions prises» et certaines «attitudes», a résumé le premier ministre maltais Joseph Muscat.
Les Européens, y compris le Royaume-Uni toujours membre du club, ont convenu qu’il leur fallait envisager sérieusement «le futur rôle global de l’UE» et évaluer l’effet qu’aura la nouvelle administration américaine sur leur place dans le monde. Si la coopération transatlantique et la préservation d’une bonne relation avec les Etats-Unis restent une priorité pour l’UE, «on n’a pas d’autres options que de reprendre confiance en notre propre force», a commenté le chef du Conseil européen Donald Tusk.
Un avenir «hautement imprévisible»
Après le décret anti-immigration et anti-réfugiés adopté par Donald Trump le 27 janvier, c’est d’ailleurs l’ancien premier ministre polonais qui avait émis la mise en garde la plus virulente contre la nouvelle administration, la qualifiant de «menace» pour l’Union européenne au même titre qu’une «Russie agressive» ou une «Chine qui affirme son autorité». Tout «cela rend notre avenir hautement imprévisible» avait-il même affirmé.
L’unité et la force des Etats membre, Theresa May, la première ministre britannique dont le pays sortira logiquement du bloc dans deux ans, y aspire elle aussi. Elle a d’ailleurs dit à ses collègues qu’il était dans son intérêt d’avoir à traiter avec une Union forte dans le monde.
Merkel: «Défendre nos valeurs»
A Malte, pourtant, tous n’ont pas exprimé le même sentiment de gravité. Si François Hollande est arrivé en qualifiant d’«inacceptables» les déclarations de Donald Trump qui mettent une pression sur l’Europe, la chancelière allemande Angela Merkel s’est, elle, montrée plus discrète, rappelant qu’il fallait œuvrer à «défendre nos valeurs» et «nos intérêts».
C’est que les Européens sont peu habitués à un tel mode de gouvernance par le tweet, très inhabituel et «perturbant» avait confié un haut diplomate européen cette semaine. Et les Vingt-Huit ne veulent sûrement pas répondre par la pareille, contrairement au Parlement européen qui a déjà demandé aux Etats membres de ne pas accréditer Ted Malloch, le futur ambassadeur américain auprès de Bruxelles. Celui-ci avait comparé l’UE à l’ex-URSS et s’était réjoui d’une possible dissolution de l’UE.
Pour Angela Merkel, l’essentiel est de se concentrer sur ce qu’on «a en commun» et sur des politiques concrètes telles que la défense ou ce qui est fait en Afrique dans le domaine de la migration. C’est aussi l’avis de Joseph Muscat pour qui proclamer l’unité n’est «pas suffisante» en soit. C’est tout le chantier qui s’ouvre aux Vingt-Sept. A Malte, les Etats membres ont d’ailleurs commencé à plancher sur des questions très précises une fois réunis à 27: l’UE est-elle un endroit où l’on se sent mieux qu’il y a dix ans? Où veulent-ils aller ensemble? Et quel rôle envisagent-ils pour l’UE dans une situation géopolitique chamboulée? Les Vingt-sept auront moins de deux mois pour y répondre.