Le Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR), le Conseil des droits de l’homme, le Conseil de l’Europe ainsi que des organisations non-gouvernementales ont mis en garde l’Union européenne (UE) contre toute violation du droit d’asile en lien avec le projet de renvoi des réfugiés de la Grèce vers la Turquie. Au Parlement européen, les élus exigent le respect des règles internationales. Il s’agit en effet de l’un des points forts à l’agenda des chefs d’Etat et de gouvernement réunis jeudi soir à Bruxelles. Ils seront rejoints ce vendredi matin par le premier ministre turc Ahmet Davetoglu en vue de finaliser l’accord de principe arrêté le 7 mars dernier et dont l’objectif final est de faire tarir le flot des réfugiés vers l’Europe.

Le projet d’accord sur lequel les dirigeants européens se penchent depuis hier soir confirme que tous les migrants illégaux venant de Turquie seront renvoyés à leur point de départ. Auparavant, ils seront enregistrés et traités selon la procédure d’asile européenne. L’UE s’engage aussi, dans le cadre d’un programme de réinstallation, d’accueillir un demandeur d’asile syrien se trouvant dans les camps de réfugiés turcs pour chaque Syrien rentré illégalement en Grèce, puis renvoyé en Turquie. La Convention de Genève de 1951 sur le statut des réfugiés insiste sur leur protection en tous lieux.

En réalité, cette question de légalité des renvois a été soulevée immédiatement dès le 7 mars. «Je suis préoccupé par certains aspects de l’accord qui consistent à renvoyer des demandeurs d’asile sans garantir leur protection comme le requièrent les règles internationales», avait dénoncé Filippo Grandi, le directeur du HCR devant le Parlement européen. A présent, le HCR veut d’abord évaluer l’accord final, s’il y en a un, avant de le commenter. Mais dans tous les cas, l’organisation onusienne spécialisée dans la gestion de la crise des réfugiés, n’a pas été consultée par l’UE sur cet aspect légal.

«La fin du droit d’asile», dénonce Migreurop, un réseau européen actif dans le domaine des migrations. Dans un communiqué publié hier, il estime que «le plan européen permet surtout à l’Union de repousser les réfugiés hors de ses frontières et de sous-traiter ses obligations à la Turquie». Human Right Watch juge que la stratégie européenne constitue «un mépris inquiétant pour le droit d’asile». L’organisation Oxfam relève pour sa part que la Convention de Genève a été créée il y a soixante-cinq ans pour protéger les victimes de la Seconde Guerre mondiale et elle serait tout aussi pertinente aujourd’hui pour protéger les victimes de la guerre en Syrie.

Les autorités européennes se disent aussi concernées par l’aspect légal d’éventuels renvois. Lors d’un point de presse hier avant le début du sommet, le président de la Commission a juré que chaque réfugié arrivé en Grèce aura la possibilité «individuellement et non collectivement» de présenter sa demande d’asile. «Il y va de notre responsabilité», a dit Jean-Claude Juncker. Le président du Conseil va également dans le même sens. Dans une lettre adressée aux chefs d’Etat et au gouvernement à la vielle du sommet, Donald Tusk précise que la liste de questions qui restent à régler est longue. «Mais nous veillerons en priorité que nos actions soient en ligne avec les règles européennes et internationales», a-t-il écrit. Réponse de Martin Schulz, président du Parlement européen: «Il nous faut une garantie que les procédures qui seront mises en place respectent les règles.»

La Commission entend en effet fournir une aide conséquente à Athènes pour mettre en place des hotspots pour l’enregistrement des réfugiés ainsi que des logements pour la période où la demande d’asile est examinée, y compris la procédure de recours. Bruxelles prévoit d’envoyer une armée de fonctionnaires et des juges en Grèce dès ces prochaines semaines.