Les dés sont maintenant jetés et la voie est désormais ouverte à la Commission européenne pour sanctionner la troisième économie de la zone euro, pour indiscipline budgétaire. Pour Bruxelles, qui avait déjà rejeté le projet de budget italien pour 2019, la version révisée déposée la semaine passée est tout aussi irrecevable. Dès lors, l’ouverture d’une procédure de déficit excessif (PDE) fondée sur le non-respect des règles européennes se justifie.

Au fait, qu’est-ce qu’une PDE? Cette procédure est prévue dans le Pacte de stabilité et de croissance de l’UE, dont l’objectif est d’assurer des finances publiques saines de ses Etats membres. Plus concrètement, il appelle à respecter deux critères. Le premier fixe le plafond du déficit budgétaire à 3% du produit intérieur brut (PIB) et le second limite la dette à 60% du PIB. Pour la petite histoire, en Suisse, la Constitution interdit le dépassement de 40% du PIB.

Lire l'article lié: Derrière le budget italien, la lutte politique contre l’Europe

Promesses électorales populistes

Statutairement, les échanges entre le Etats et Bruxelles débutent dès janvier avec le Semestre européen, un exercice où la Commission partage ses propositions budgétaires. En avril, chaque pays soumet son train de mesures économiques et financières ainsi qu’un plan budgétaire sur trois ans. En juillet, les pays soumettent le plan budgétaire pour l’année suivante.

«Le nouveau gouvernement a ignoré les recommandations de la Commission et prévu un budget 2019 qui veut avant tout respecter ses promesses électorales populistes, quitte à aller à l’encontre des critères de convergence», commente Sabrina Khanniche, économiste senior chez Pictet Asset Management à Genève. En toute logique, le document qui, selon la Commission, ne respectait pas les critères de convergence a été rejeté. Rome avait jusqu’à la semaine passée pour soumettre une version révisée, mais a campé sur ses positions.

Lire également: Les bases d’un «Italexit»

Le bras de fer

Pour la Commission, l’Italie est trop optimiste en prévoyant un déficit public de 2,4% du PIB, ce qui respecte l’un des critères de convergence. Idem pour la croissance en 2019. Selon elle, le pays n'emprunte pas la voie qui mènerait à une réduction de la dette, laquelle s’élève à 131% du PIB.

C’est désormais le bras de fer. La balle est dans le camp de la Commission qui, d’ici au printemps prochain, définira les sanctions contre Rome. «Il peut s’agir d’une amende pouvant aller jusqu’à 3 à 4 milliards d’euros ainsi que de la suspension des versements des fonds structurels dont l’Italie est un grand bénéficiaire, rappelle Sabrina Khanniche. Pour la période 2021-2027, il est prévu d’augmenter les versements du Fonds de cohésion destinés à l’emploi des jeunes et à l’accueil des migrants.»

Lire aussi: Rome s’accroche à ses mesures populistes

Attention à la réaction des marchés

Les sanctions suffiraient-elles pour freiner Rome dans ses dépenses excessives? «Il faut voir comment le nouveau gouvernement se projette sur les élections européennes prévues en mai 2019, fait remarquer l’économiste de la banque Pictet. En même temps, tant Rome que Bruxelles doivent faire attention et ne pas trop inquiéter les marchés.» Selon elle, l’économie italienne reste fragile et une hausse du taux d’emprunt ferait mal, plus particulièrement aux PME qui ne peuvent se financer qu’auprès des banques.

Ce n’est pas la première fois que la Commission européenne lance une PDE contre l’un de ses membres. La France, l’Espagne et le Portugal sont passés par là mais, contrairement à l’Italie, les trois pays avaient accepté d’approfondir les réformes afin de respecter les critères de convergence.