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Budapest et Varsovie monnaient leur veto sur le plan de relance

Les Vingt-Sept, réunis ce jeudi à Bruxelles, se rapprochent d’une solution sur le plan de relance économique et la question de l’Etat de droit. Au prix d’un compromis avec la Hongrie et la Pologne, et de vraies questions sur le fonctionnement de l’Union

Le premier ministre hongrois, Viktor Orban (à d.), et son homologue polonais, Mateusz Morawiecki, le 26 novembre 2020.  — © Zoltan Fischer/Hungarian Prime Minister's Press Office/Handout via REUTERS
Le premier ministre hongrois, Viktor Orban (à d.), et son homologue polonais, Mateusz Morawiecki, le 26 novembre 2020.  — © Zoltan Fischer/Hungarian Prime Minister's Press Office/Handout via REUTERS

Est-ce le clap de fin pour Viktor Orban et la querelle qui l’oppose depuis un mois à ses partenaires sur la question du budget européen et son conditionnement au respect de l’Etat de droit? Alors que les Vingt-Sept se retrouvent ce jeudi à Bruxelles pour un sommet d’hiver truffé de sujets lourds, ils pourraient recevoir une bonne nouvelle pour leur plan de relance économique. Un plan de 750 milliards d’euros, adossé à un budget européen de 1100 milliards durement acquis en juillet, mais complètement hypothéqué en novembre par le veto de Budapest et Varsovie, opposés à tout lien entre financement européen et respect de l’Etat de droit.

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Avec ce mécanisme seraient en effet directement visés les pays qui ne donnent pas toutes les garanties d’indépendance des systèmes judiciaires, ou qui présentent de sérieux problèmes de corruption. Une question fréquemment soulevée au sujet de ces deux pays et plus particulièrement de celui du premier ministre hongrois, accusé d’avoir mis en place autour de lui un système clientéliste alimenté par l’argent européen. Les dirigeants hongrois et polonais sont visiblement revenus à de meilleures dispositions depuis quelques jours, comme Viktor Orban l’a laissé entendre mardi soir en rencontrant à Varsovie son homologue, Mateusz Morawiecki. Ils étaient même sur le point, mercredi, de trouver un accord avec la présidence allemande du Conseil de l’UE et n’attendaient plus que l’aval de leurs partenaires, à commencer par celui du Néerlandais Mark Rutte, très attaché au volet de l’Etat de droit, pour donner leur blanc-seing au plan de 1850 milliards.

La formule miracle à l’étude? Une déclaration rappelant que le mécanisme sera appliqué de manière objective et impartiale et respectera scrupuleusement les traités. Il devra répondre à des critères précis élaborés avec les Etats membres, mais les Etats concernés par une décision de suspension de fonds européens pourront la contester devant la Cour de justice: aucun fonds européen ne pourra ainsi être retenu tant que la Cour n’aura pas rendu son verdict. Ces recours en justice pourraient prendre un certain temps et donc s’étaler après 2022, date des élections législatives en Hongrie.

Capacité de nuisance

Cette dépendance de 25 pays vis-à-vis de deux gouvernements sur un sujet aussi crucial que l’avenir économique a de quoi questionner, mais elle présente une forme de logique, estime Laurent Pech, professeur de droit européen à l’université du Middlesex à Londres. Il y voit «le résultat de dix ans d’inaction» des Etats membres face aux dérives de ces deux gouvernements. En particulier celles du premier ministre hongrois, le vrai meneur de la fronde. «En ne voulant pas voir la réalité et nommer une dérive autoritaire», ils ont permis à ces deux régimes de se consolider sur le plan interne. Et il est peut-être déjà trop tard, le fonctionnement de l’UE étant «gangrené», Budapest et Varsovie exerçant toute «leur capacité de nuire».

Sur la politique migratoire aussi, les deux pays ont depuis quelques années un important levier sur leurs partenaires; ils sont en partie à l’origine de l’échec d’une précédente réforme de l’asile en 2016 et les nouvelles règles proposées en septembre par la Commission connaissent des débuts tout aussi difficiles. La Hongrie et la Pologne continuent en effet de s’opposer à une solidarité basée sur le partage des demandeurs d’asile.

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Pour Laurent Pech, il n’est pourtant pas du tout certain que les Etats membres changent d’approche. Avec une solution en poche sur la relance, «il y a un risque qu’ils continuent à faire comme s’il n’y avait pas de problèmes. On parle de compromis, j’appelle plutôt cela de la compromission», tacle le professeur, déçu par ailleurs de la présidence allemande, qui n’a pas hésité à brader l’Etat de droit. Thierry Chopin, conseiller à l’Institut Jacques Delors à Paris et professeur à l’Université catholique de Lille, pense aussi que les Européens se retrouvent pris à leur propre piège. Et ce n’est pas seulement un risque de dysfonctionnement de l’UE que les deux gouvernements font peser, mais bien un risque «existentiel». C’est «l’idée d’une simple alliance d’Etats nations» que veulent imposer les deux régimes, «mais ça ne peut pas fonctionner avec une Union qui repose sur un socle minimal de valeurs». Et leurs partenaires feraient bien d’en prendre conscience avec «urgence».